jeudi 5 octobre 2023

LA CRISE NIGÉRIENNE ET L’OPPOSITION PAVLOVIENNE AU RÉGIME ALGÉRIEN


Khaled Satour

On ne peut qu’être ulcéré par ce qui est devenu un réflexe conditionné chez des médias en ligne algériens, et notamment la chaîne Magharibia, dont les émissions s’alimentent des « contributions » de certains pseudo experts et autres youtubeurs plus ou moins stipendiés : voir avec une grande légèreté et de façon systématique dans tous les événements de l’actualité internationale et dans tous les actes de la diplomatie algérienne un échec cuisant de Abdelmadjid Tebboune et de son gouvernement, en se dispensant de toute analyse contextualisée et en occultant les enjeux des dossiers dont ils traitent.

Un exemple nous en est encore donné par leur couverture des derniers développements de la crise nigérienne et des suites de l’initiative de médiation algérienne [1].

Dans un communiqué publié lundi, le ministère des affaires étrangères avait annoncé que « le gouvernement algérien (avait) reçu des autorités nigériennes « une acceptation de la médiation de l’Algérie », articulée autour de six axes avec un plan de transition de six mois.

Mais 48 heures plus tard, le ministère nigérien des affaires étrangères se déclarait officiellement « surpris de relever (…) un communiqué du gouvernement algérien indiquant que le Niger aurait accepté la médiation de l’Algérie qui a proposé aux militaires une transition de six mois ». Ce communiqué précisait que Niamey avait certes « fait part de la disponibilité des autorités nigériennes à examiner l’offre de médiation algérienne » mais que celles-ci considéraient que la durée de transition vers un régime civil serait fixée par « un forum national inclusif et non par un quelconque médiateur ».

Si l’on considère la complexité de la crise institutionnelle nigérienne et les préparatifs toujours en cours faits par la CEDEAO pour intervenir militairement dans un pays qui accueille sur son territoire un millier de soldats américains et au moins 1500 soldats français, on est bien obligé de considérer que l’offre de médiation algérienne est actuellement la seule alternative à une guerre qui pourrait impliquer le Mali et le Burkina Fasso, alliés des militaires nigériens, et mettre au pas des régimes qui, soutenus par leurs populations, se rebellent contre la mainmise occidentale.

Cela devrait inciter à un minimum de réserve et à une interprétation nuancée de la position nigérienne : celle-ci rejette le délai de 6 mois proposé par l’Algérie mais ne constitue pas jusqu’à preuve du contraire une fin de non-recevoir opposée au plan de médiation tout entier.

Le battage fait par Magharibia et ses satellites autour de « ce nouvel échec de l’Algérie » et sur l’impéritie chronique de sa diplomatie a de ce fait quelque chose d’indécent d’autant plus que ce réflexe est répétitif et s’accompagne trop souvent d’une apologie des politiques menées par la France, d’une complaisance suspecte à l’égard des positions du régime marocain et de l'occultation totale des calculs impérialistes dans la région.

En réalité, tous les protagonistes de la crise nigérienne avancent masqués et pour une fois le gouvernement algérien n’est sans doute pas parmi eux celui qui fait preuve de la plus grande duplicité : il n’est pas fortuit que, aussitôt après le communiqué qu’il a rendu public lundi dernier, une attaque d’envergure menée par un groupe puissamment armé ait causé la mort d’une trentaine de soldats nigériens au nord-ouest du pays.

En se montrant aveugle aux multiples stratégies à l’œuvre dans la crise nigérienne pour se focaliser avec délectation sur « l’incompétence chronique de la diplomatie algérienne », l’opposition pavlovienne a perdu une occasion de se taire.

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 [1] Voir notamment cette vidéo:

https://www.youtube.com/watch?v=g0IllZcrXTo&t=2018s

 

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