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Au milieu, Sid-Ahmed Ghozali au forum d'El Moudjahid le 22 février 2024
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Khaled Satour
Une fois qu’on a visionné (en
diagonale forcément, pour en zapper les lieux-communs et les dérobades) l’intervention
de Sid-Ahmed Ghozali au forum d’El Moudjahid le 22 février dernier[1],
on ne se pose qu’une seule question : quel était l’intérêt de lui donner
la parole plus de trente ans après qu’il se soit éloigné de la scène politique ?
L’intéressé avait sa propre
réponse à la question : il était là pour nous « éclairer ».
Il a même théorisé sa mission : « Dites à un peuple la vérité, il
pourra se tromper 100 fois mais tout seul, il reprendra le chemin, dites-lui un
mensonge et c’est son esprit critique que vous aurez détruit ».
Un Confucius légèrement
dyslexique n’aurait pas mieux dit. Mais de la théorie à la pratique, le pas est
difficile à franchir. Ghozali, petite main des nationalisations du 24 février
1971, n’a pas hésité à s’en arroger la paternité dans une distribution des
rôles où il s’est inventé un aparté stratégique avec Boumediene et Belaid
Abdeslam[2]. En revanche, il n’a pas soufflé mot sur sa participation au projet beaucoup
moins glorieux de vente aux compagnies étrangères de 25% de Hassi-Messaoud à l’automne
1991.
Sur cette période 1991-1992[3],
durant laquelle il a exécuté les ordres de véritables pyromanes, il a d’ailleurs d’une façon
générale refusé catégoriquement de nous « éclairer » mais il
ne sait peut-être pas que nous savons. On aurait à peine souhaité que l’un de
ces vieux briscards de la presse algérienne qui s’étaient déplacés pour l’écouter
lui demande par exemple ce qu’il avait vu sur la vidéo de l’assassinat de Boudiaf
qu’il fut l’un des rares à visionner dans son intégralité au soir du 29 juin 1992.
Il a appelé « le peuple
algérien à l’union sacrée », derrière l’armée bien entendu. Mais
il lui a recommandé de renoncer à la démocratie qui est « un terme
creux » (klam fâregh) car nous avons selon lui, encore et
toujours, « besoin d’autorité ».
En fait, il aurait pu dire la
même chose il y a 30 ou 40 ans (et sans doute l’a-t-il dite). Pourquoi dès lors
s’offrir un come-back médiatique pour nous resservir ces vieilles lunes ?
Heureusement qu’il y avait aussi
à admirer autour de lui la persistance de cet esprit inaltérable du journal El
Moudjahid, de cette révérence pour les hommes de pouvoir d’hier et d’aujourd’hui,
demeurée intacte chez ses journalistes, parce qu’elle est pieusement transmise de
génération en génération.
Du coup, j’ai trouvé à ce genre
de spectacle une vertu : c’est un remède infaillible contre le mal du
pays.
[2] Selon Hocine Malti, Ghozali n'a « jamais pu intégrer le cercle restreint des véritables décideurs des décennies 1960 et 1970 : il est resté ce que les Américains appellent un "junior partner" ». In Histoire secrète du pétrole algérien, La Découverte, 2012, p.79.
[3]
Sid-Ahmed Ghozali fut le premier ministre du président Chadli Bendjedid de juin 1991 à la
démission de ce dernier en janvier 1992. Il est demeuré à ce poste sous la
présidence du Haut Comité d’État (HCE) par Boudiaf jusqu’en juillet 1992.