mardi 27 février 2024

L'APPORT DE "L’HUMANITAIRE" AU GÉNOCIDE


 

Insupportable. Tout un peuple enfermé dans un zoo et livré à domicile au regard de milliards de curieux. La bande de criminels qui le séquestre choisit selon son bon vouloir ceux des spectateurs qui sont autorisés à venir lui lancer quelques miettes à travers les grilles pour qu’il ne meure pas avant le prochain massacre.

Cette aide humanitaire-là, dans les modalités qu’elle prend et dans ce qu’elle suppose de soumission aux volontés d'une armée d'assassins, entérine la toute-puissance d’Israël et légitime son pouvoir de vie et de mort.

Je ne peux m’empêcher de la voir comme la manifestation perverse d’une complicité dans le génocide. Elle fait trop bien admirer les capacités matérielles d’intervention de la « communauté internationale » dont celle-ci s’abstient de faire usage pour arrêter la boucherie, préférant les utiliser pour que la mise à mort de Gaza puisse s'accomplir à petit feu.

Gaza est le premier génocide de l’histoire programmé avec les contributions politiques, diplomatiques et maintenant humanitaires des nations.

 

lundi 26 février 2024

QUAND SID-AHMED GHOZALI DISPENSE SES LUMIÈRES

Au milieu, Sid-Ahmed Ghozali au forum d'El Moudjahid le 22 février 2024

 

Khaled Satour

Une fois qu’on a visionné (en diagonale forcément, pour en zapper les lieux-communs et les dérobades) l’intervention de Sid-Ahmed Ghozali au forum d’El Moudjahid le 22 février dernier[1], on ne se pose qu’une seule question : quel était l’intérêt de lui donner la parole plus de trente ans après qu’il se soit éloigné de la scène politique ?

L’intéressé avait sa propre réponse à la question : il était là pour nous « éclairer ». Il a même théorisé sa mission : « Dites à un peuple la vérité, il pourra se tromper 100 fois mais tout seul, il reprendra le chemin, dites-lui un mensonge et c’est son esprit critique que vous aurez détruit ».

Un Confucius légèrement dyslexique n’aurait pas mieux dit. Mais de la théorie à la pratique, le pas est difficile à franchir. Ghozali, petite main des nationalisations du 24 février 1971, n’a pas hésité à s’en arroger la paternité dans une distribution des rôles où il s’est inventé un aparté stratégique avec Boumediene et Belaid Abdeslam[2]. En revanche, il n’a pas soufflé mot sur sa participation au projet beaucoup moins glorieux de vente aux compagnies étrangères de 25% de Hassi-Messaoud à l’automne 1991.

Sur cette période 1991-1992[3], durant laquelle il a exécuté les ordres de véritables pyromanes, il a d’ailleurs d’une façon générale refusé catégoriquement de nous « éclairer » mais il ne sait peut-être pas que nous savons. On aurait à peine souhaité que l’un de ces vieux briscards de la presse algérienne qui s’étaient déplacés pour l’écouter lui demande par exemple ce qu’il avait vu sur la vidéo de l’assassinat de Boudiaf qu’il fut l’un des rares à visionner dans son intégralité au soir du 29 juin 1992.

Il a appelé « le peuple algérien à l’union sacrée », derrière l’armée bien entendu. Mais il lui a recommandé de renoncer à la démocratie qui est « un terme creux » (klam fâregh) car nous avons selon lui, encore et toujours, « besoin d’autorité ».

En fait, il aurait pu dire la même chose il y a 30 ou 40 ans (et sans doute l’a-t-il dite). Pourquoi dès lors s’offrir un come-back médiatique pour nous resservir ces vieilles lunes ?

Heureusement qu’il y avait aussi à admirer autour de lui la persistance de cet esprit inaltérable du journal El Moudjahid, de cette révérence pour les hommes de pouvoir d’hier et d’aujourd’hui, demeurée intacte chez ses journalistes, parce qu’elle est pieusement transmise de génération en génération.

Du coup, j’ai trouvé à ce genre de spectacle une vertu : c’est un remède infaillible contre le mal du pays.


[2] Selon Hocine Malti, Ghozali n'a « jamais pu intégrer le cercle restreint des véritables décideurs des décennies 1960 et 1970 : il est resté ce que les Américains appellent un "junior partner" ». In Histoire secrète du pétrole algérien, La Découverte, 2012, p.79.

[3] Sid-Ahmed Ghozali fut le premier ministre du président Chadli Bendjedid de juin 1991 à la démission de ce dernier en janvier 1992. Il est demeuré à ce poste sous la présidence du Haut Comité d’État (HCE) par Boudiaf jusqu’en juillet 1992.