mardi 24 octobre 2023

VIOL DES FEMMES, VIOL DE LA TERRE : DEIR YASSIN (9 AVRIL 1948)


 

Khaled Satour

Ce que fut la violence initiale d’Israël, aux penchants génocidaires marqués, et dont l’actuel carnage de Gaza se veut le couronnement, la solution finale. Les assassinats de fœtus préfiguraient l’actuel massacre des enfants palestiniens (2050 d'entre eux ont jusqu'à présent perdu la vie) :

« – Le 9 avril 1948 vers 04h00 du matin, appuyées par un avion qui largue 7 bombes et par 15 chars, des unités sionistes se lancent à l'assaut du village qu’elles encerclent. Puis des unités sionistes grâce à des haut-parleurs appellent les habitants à se regrouper dans le centre. Face à cette injonction certains tentent de fuir. D'aucuns réussissent à atteindre le village d’Ein Karem. […]

Les autres habitants ont été tués par les tirs qui ont commencé sans sommation. Les horreurs ont continué, y compris bien sûr des viols, ce qui a été très dur à avouer pour les quelques survivants, comme l'atteste le témoignage de l'enquêteur britannique mandaté par le gouvernement :

« J’ai interrogé beaucoup de femmes pour avoir des informations sur les atrocités commises, mais la majorité de ces femmes sont très timides et répugnent à raconter leurs expériences, surtout en ce qui concerne les violences sexuelles. Elles ont besoin d'être très soutenues avant de donner des informations. Les enregistrements des entretiens ont été gênés par les conditions d'hystérie de ces femmes qui souvent ont eu des crises de dépression au moment des entretiens. Il ne fait cependant pas de doute qu'il y a eu beaucoup de violences sexuelles commises par les attaquants juifs ».

Beaucoup de jeunes écolières ont été violées avant d'être massacrées. Les vieilles femmes ont aussi été molestées. Une histoire revient régulièrement : « celle d'une jeune fille qui a été littéralement déchiquetée en deux. Beaucoup d'enfants furent massacrés puis tués ».

La question du viol longtemps occultée dans cette société moyen-orientale où l'honneur est une des causes suprêmes à défendre a été cependant mise au jour avec les témoignages mais aussi la confirmation des faits dans différents livres écrits par les nouveaux historiens israéliens qui ont eu accès à des documents de l’État d'Israël. Cette question a aussi fait l'objet d'études qui ont analysé la relation étroite entre le viol de la femme et le viol de la terre commis dans le cas de la Palestine au même moment.

La « catastrophe » a été double et les femmes ont eu à porter cette double violence. Les nouvelles de viol se répandent aussi vite que celles des massacres, ce qui contribue également à l'accélération de la fuite, lié à la peur. C'est à partir du massacre de Deir Yassin que la peur prend de l'ampleur. On murmure que les hommes, déjà déshonorés par la perte des combats, le sont désormais par le viol.

Des Palestiniens subissent la perte de leur pays et la perte de la virginité de certaines de leurs femmes et filles. Il a fallu porter cela dans un monde où le mariage nécessite la confirmation d'une virginité. C’est le viol de la conscience nationale palestinienne. A Deir Yassin, ils considèrent comme le summum de l'horreur les témoignages sur les femmes enceintes dont les forces juives ont ouvert le ventre pour s'acharner sur le fœtus symbole de la vie et des nouvelles générations – »

(Extraits du livre de Sandrine Mansour-Mérien, « L’Histoire occultée des Palestiniens, 1947-1953 », Ed. Privat, Toulouse, 2013, pp. 140 à 142)


 

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