Khaled Satour
J’avais déjà exprimé dans un précédent article toutes les réserves raisonnables que m’avaient inspirées le récit fait aux journalises le 10 octobre par l’armée israélienne au cours de la visite guidée des kibboutz de Kfar Azza et de Bee’ri[1]. Je les avais renouvelées lorsqu’elle avait projeté le 23 octobre, pour le seul bénéfice de journalistes triés sur le volet, les prétendues images de l’attaque des combattants palestiniens du 7 octobre, en interdisant qu'elles soient rendues publiques « pour en épargner la violence aux familles israéliennes » (mon dernier article du 26 octobre).
Le général de division qui avait accueilli les journalistes avait soutenu, devant les décombres de Kfar Azza que ce n’était pas « une guerre ou un champ de bataille, c’est un massacre ».
J’avais jugé pour ma part que deux hypothèses au moins, autres que le massacre perpétré sur des habitants désarmés, pouvaient être raisonnablement soutenues :
- La première est que les colons dont il est de notoriété publique qu’ils ont toujours été surarmés, surtout lorsqu’ils sont implantés à moins de 4 kilomètres de la bande de Gaza, soient morts en combattant les résistants palestiniens. Je notais à ce propos qu’il était curieux que l’emballement médiatique fasse silence sur des éléments que certains médias rapportaient sans s’y attarder outre mesure.
On voulait en effet donner l’impression que les combattants palestiniens avaient surpris des habitants désarmés qu’ils avaient aussitôt commencé à exécuter, alors qu’un reportage de la BBC indiquait très tôt qu’ils avaient d’abord affronté les gardes armés du kibboutz de Kafr Azza, désignés parmi les colons eux-mêmes. Ce qui indiquait que l’alerte avait été donnée et que les armes ont été probablement sorties par tous les colons en âge de combattre.
- La seconde est qu’ils aient perdu la vie au cours de l’assaut lancé par les Israéliens pour reprendre le contrôle des deux kibboutz. Les combats entre l’armée israélienne et les résistants palestiniens ont en effet été particulièrement violents et ont duré trois jours entiers. Le reporter de la BBC rapportait qu’à son arrivée sur les lieux, les affrontements se poursuivaient encore. Ils ont aussi sans aucun doute très vite commencé si l’on considère que l’alerte avait été donnée dès samedi.
Un élément factuel me semblait accréditer la seconde de ces deux hypothèses et indiquer même que l’armée israélienne était présente dès la prise d’assaut du kibboutz. Ignorant alors tout élément d’information pouvant infirmer la propagande militaire israélienne, j’avais mentionné la vidéo de Hamas publiée par la chaîne Al Jazira dès la nuit du 7 au 8 octobre représentant l’assaut mené par les combattants palestiniens sur Kfar Azza. On y distinguait très nettement les murs de défense du kibboutz et un de leurs miradors et on y voyait les combats opposant les Palestiniens, non pas à des gardes civils armés, mais aux militaires israéliens dont certains cadavres étaient visibles[2].
Dans les kibboutz comme contre Gaza, l’armée d’Israël a bombardé les civils
Il s’avère que des informations publiées par différents organes de presse, notamment par le journal israélien Haaretz, viennent remettre en cause le récit israélien et accréditer des faits qui empruntent aux deux hypothèses, mais plus nettement à la seconde, que j’avais avancées : l’armée était présente dès l’attaque palestinienne et l’assaut qu’elle a lancé pour reprendre les lieux a causé la mort de plusieurs dizaines de civils, dont certains ont été victimes de tirs israéliens, et d’autres ensevelis sous les décombres de leurs maisons détruites par les obus des blindés. Les méthodes utilisées contre les civils de Gaza n’ont pas épargné les civils des kibboutz !
Si l’on synthétise les informations rapportées par les sites mondoweiss.net[3], overton-magazin.de[4] et arretsurinfo.ch[5], on obtient la revue de presse suivante :
- Le 11 octobre, The Guardian rapportait le récit fait par son reporter Quique Kierszenbaum de sa visite de Bee’ri sous la conduite de l’armée :
« Les bâtiments ont été détruits les uns après les autres, que ce soit lors de l’assaut du Hamas ou lors des combats qui ont suivi, les arbres voisins ont volé en éclats et les murs ont été réduits à des décombres de béton d’où les chars israéliens ont pilonné les militants du Hamas là où ils se cachaient. Les planchers se sont effondrés sur les planchers. Les poutres des toits étaient enchevêtrées et exposées comme des cages thoraciques. »
- Sur le site allemand overton-magazin.de, est rapportée l’interview de Yasmin Porat, une Israélienne de 44 ans qui a participé à la rave-party attaquée le 7 octobre par des Palestiniens armés et qui a réussi, comme elle l'a raconté le 15 octobre à la radio publique israélienne Kan (vidéo reprise par arretsurinfo.ch), à se réfugier dans le kibboutz Be'eri. Capturée par le Hamas, elle a appelé la police avec le chef du commando palestinien comme elle le raconte également dans un entretien avec CNN, en partie coupée au montage :
« Lorsque la police est arrivée, deux heures plus tard, elle a commencé à tirer. Elle pensait qu'elle ne survivrait pas à cet échange de tirs. Le commandant aurait continué à téléphoner à la police et aurait voulu se rendre. La police lui aurait ordonné de sortir avec elle, Yasmin, sans vêtements. Il s'est approché lentement de la police avec elle comme bouclier. Elle aurait crié, ne tirez pas, les soldats auraient cessé le feu et capturé le Palestinien (…) Mais dans la suite du combat, tous ont été tués, preneurs d'otages et otages, y compris son partenaire, à l'exception d'une femme.
« Ils ont éliminé tout le monde, y compris les otages »
S’ensuit un échange entre le journaliste et le témoin :
« Yasmine Porat : "Je vois sur la pelouse, dans le jardin des gens du kibboutz. Il y a cinq ou six otages qui sont dehors, par terre, comme des moutons à l'abattoir, entre les tirs de nos [soldats] et des terroristes.
Aryeh Golan : Les terroristes les ont abattus ?
Yasmin Porat : Non, ils ont été tués par les tirs croisés. Vous comprenez, il y a eu des tirs croisés très, très violents.
Aryeh Golan : Nos forces armées pourraient donc les avoir abattus ?
Yasmin Porat : Sans aucun doute.
Aryeh Golan : Quand ils ont essayé d'éliminer les ravisseurs, le Hamas ?
Yasmin Porat : Ils ont éliminé tout le monde, y compris les otages. Parce qu'il y avait des tirs croisés très, très violents. J'ai été libéré vers 5h30. Les combats ont apparemment pris fin vers 8h30. Après les tirs croisés délirants, deux obus de char ont été tirés dans la maison. C'est une petite maison de kibboutz, rien de grand. Vous l'avez vu aux informations ».
- C’est également le 20 octobre que Haaretz a publié un long article de son principal analyste militaire, Amos Harel, décrivant l’incapacité d’Israël à se préparer aux attaques du Hamas du 7 octobre. Il décrit l’attaque palestinienne contre le bureau de coordination et de liaison :
Le même jour, Haaretz rapportait, dans un article écrit en hébreu et non traduit en anglais, le reportage de ses journalistes Nir Hasson et Eden Solomon qui avaient interviewé le commandant d’un bataillon de blindés : « Il a décrit comment lui et son unité de chars "se sont battus à l’intérieur du kibboutz, de maison en maison, avec les chars. Nous n’avions pas le choix" ».
- Dans son article publié le 20 octobre dans Haaretz, Nir Hasson rapporte les propos d’un habitant de Bee’ri nommé Tuval, qui a eu la chance d’être loin du kibboutz au moment de l’attaque, mais dont la compagne a été tuée:
« Sa voix tremble lorsqu’il se remémore sa compagne, qui était alors assiégée dans son refuge. D’après lui, ce n’est que lundi soir et seulement après que les commandants sur le terrain aient pris des décisions difficiles – notamment le bombardement de maisons avec tous leurs occupants à l’intérieur afin d’éliminer les terroristes ainsi que les otages que Tsahal a achevé la prise du kibboutz. Le prix à payer fut terrible : au moins 112 habitants de Be’eri ont été tués. D'autres ont été pris en otages. Hier, 11 jours après le massacre, les corps d'une mère et de son fils ont été découverts dans l'une des maisons détruites. Il est à craindre que d’autres corps gisent encore sous les décombres. »
- Le média allemand rapporte également des extraits de l’article publié par Hasson le 11 octobre dans Haaretz à propos de Bee’ri:
"Le 7 octobre a apporté à Israël de nombreux précédents. L'un d'entre eux est que c'était probablement la première fois qu'une force blindée israélienne combattait dans une colonie israélienne. Les résultats sont visibles sur le terrain. Au sud de la salle à manger se trouve une scène de combat. Pas moins de sept corps de terroristes sont éparpillés dans la zone, ainsi qu'une série de maisons détruites et incendiées. Tout autour, des arbres déracinés, des pièces d'armes, des munitions, des mortiers et des restes de grenades".
Le sergent-major Erez est cité : "Dans le kibboutz, ils se sont battus de maison en maison avec les chars, il n'y avait pas le choix[6]. Les forces spéciales sont des héros les uns après les autres, mais aussi les hommes armés, les chauffeurs, dont trois chauffeurs druzes qui étaient avec nous. Le peuple d'Israël sous son meilleur jour".
Des héros qui se sont illustrés au prix de la vie de leurs compatriotes civils qu'ils ont tirés et bombardés sans scrupules avant d'annoncer au monde qu'ils avaient été décapités et éventrés, bébés compris, par les Palestiniens. Une question hante désormais l'opinion israélienne : leur armée sacrifiera-t-elle les 200 otages de Gaza à sa volonté d'extermination des Palestiniens?
[1] Kfar Azza et Bee’ri : Défendre l’honneur des combattants palestiniens, publié le 11 octobre dernier : https://contredit.blogspot.com/2023/10/kfar-azza-et-beeri-defendre-lhonneur.html
[2] https://www.aljazeera.net/news/2023/10/8/%D8%B4%D8%A7%D9%87%D8%AF-%D8%A7%D9%84%D9%85%D9%82%D8%A7%D9%88%D9%85%D8%A9-%D8%AA%D9%82%D8%AA%D8%AD%D9%85-%D9%83%D9%81%D8%B1-%D8%B9%D8%B2%D8%A9-%D9%88%D8%AA%D8%AE%D9%88%D8%B6
[3] https://mondoweiss.net/2023/10/a-growing-number-of-reports-indicate-israeli-forces-responsible-for-israeli-civilian-and-military-deaths-following-october-7-attack/
[4] https://overton-magazin.de/top-story/haben-israelische-soldaten-bei-der-rueckeroberung-der-ortschaften-auch-israelische-zivilisten-getoetet/
[5] https://arretsurinfo.ch/les-forces-israeliennes-ont-tire-sur-leurs-compatriotes-civils-affirme-une-survivante-dun-kibboutz/
[6] C’est moi qui souligne à chaque fois (KS).
Voila que vous vous mettez au complotisme. Même si avant vous, durant le Covid par exemple, d'éminents professeurs en médecine se sont laissés à relayer des théories aussi fumeuses que la vôtre. C'est votre droit, mais ce n'est pas d'un "intellectuel" de votre rang. MrTaratata
RépondreSupprimerTaratata, comme vous le dites si bien. Si la TV israélienne et le journal Haaretz sont complotistes, je le suis autant qu’eux, ni plus ni moins. Plaignez vous aux autorités israéliennes.
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