Khaled Satour
Qui aurait cru que l’Algérie
officielle fête le 70e anniversaire du déclenchement de la lutte armée contre
le colonialisme sans rendre une parole d’hommage aux combattants palestiniens
qui s’opposent les armes à la main à l’armée génocidaire d’Israël depuis plus
d’un an ? Et comment ne pas voir dans ce silence fait sur la résistance
palestinienne un reniement de soi ?
Il a en effet été imposé à ses
dirigeants mais aussi à son peuple par une Algérie qui ne doit son existence en
tant que nation souveraine depuis 60 ans qu’à la décision folle prise une nuit
d’automne par un groupe de militants radicaux d’utiliser l’arsenal rudimentaire
qu’ils avaient réuni contre l’une des armées les plus puissantes du monde.
Comment ne pas l’interpréter comme la négation de l’identité que l’Algérie
s’est constituée en tant que pionnier et soutien inconditionnel des luttes de
libération nationale ?
Il s’avère de plus en plus clair
désormais que les calculs d’intérêts et les stratégies d’alliance les plus
illisibles et les plus pusillanimes ont pris le pas sur les valeurs
constitutives de la nation algérienne qui sont pourtant les seules susceptibles
de lui conserver le respect et la considération du monde.
En lieu et place des positions
fortes qui s’exprimaient du haut des tribunes diplomatiques pour soutenir le
combat palestinien, sans craindre de défier les grandes puissances
occidentales, il ne subsiste plus comme preuve de vie de l’Algérie sur la scène
internationale que le filet de voix inaudible et obséquieux d’un ou deux
diplomates blanchis sous le harnais qui font semblant de se convaincre que le
travail de coulisses qu’ils mènent au Conseil de sécurité pour arracher
d’illusoires concessions aux Américains soit d’une quelconque utilité à la
cause palestinienne.
En regardant la conférence de
presse commune tenue par Abdelmadjid Tebboune et le président égyptien Al Sissi
il y a une dizaine de jours au Caire et dominée clairement par les accents
normalisateurs du discours de l’Égypte, j’ai soudain pris conscience que
l’Algérie avait vieilli, tant elle était aussi rabougrie que cet homme
hésitant, terne et atone qui, parlant en son nom, projetait l’avenir de la
Palestine dans des termes dont je peinais à saisir le sens :
« L’Algérie, disait-il, soutient
l’initiative égyptienne en faveur d’une trêve à Gaza, en attendant la solution
finale qui ne peut consister qu’en la gestion de leurs terres par les
Palestiniens sous l’égide d’États frères et amis comme l’Égypte » [1].
Des propos sidérants que je
n’arrive à rattacher ni au programme d’une faction palestinienne ni à la
généalogie des positions de principes soutenues par l’Algérie en matière de
décolonisation. Je ne crois d'ailleurs pas que l’Égypte elle-même ait sérieusement
revendiqué pareille tutelle sur la Palestine du futur.
Une semaine plus tard, pendant le
défilé militaire du 70e anniversaire, les forces spéciales de l’ANP scandaient
« Gaza ! Gaza ! » [2].
C’était spectaculaire mais
indélicat. Car cela n’en soulignait que mieux que Gaza était défendue par ses
propres forces, sur lesquelles le 1e novembre algérien avait décidé de jeter un
voile d’indifférence et d’ignorance.
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[1] https://www.youtube.com/watch?v=-T1rgs7v4Og
[2] https://www.youtube.com/watch?v=eXui9hx8MjI