Khaled Satour
De tous les États complices d’Israël dans son entreprise de liquidation physique du peuple palestinien, le Maroc est sans doute celui qui en fait le plus cyniquement son fonds de commerce. En amont, il fournit à l’État sioniste un banc d’essai pour ses armements les plus meurtriers et, en aval, il obtient de l’armée génocidaire cette insigne récompense : le droit de se mettre en vedette dans le transport de l’aide humanitaire aux populations que celle-ci a dûment massacrées et affamées.
Il y a quelques jours, l’ambassadrice du Maroc à Paris, Samira Sitaïl, se vantait de « la véritable percée humanitaire » réalisée par son pays dans l’acheminement de l’aide à Gaza par la voie terrestre à travers le point de passage de Karam Abou Salem, en territoire israélien, grâce à une autorisation spéciale du cabinet du premier ministre israélien. Elle ne semblait pas s’aviser que les secours marocains rouleraient dans les sillons creusés par les blindés qui crachent la mort quotidiennement dans le territoire martyr depuis six mois et que trop de haine avait été semée sur cette piste sanglante pour que l’aide soit la bienvenue.
L’ambassadrice ne voyait dans ce « privilège »
que l’hommage rendu à une diplomatie qui conciliait « une tradition
très ancienne de soutien au peuple palestinien » et l’excellence des
« relations que nous entretenons avec l’État d’Israël ». A croire
que le Maroc n’a normalisé avec Israël que pour mieux soutenir le peuple
palestinien !
Or, on apprenait à peu près simultanément que le groupe d’armement israélien
Bluebird venait de tester sur le territoire marocain son nouveau drone kamikaze
SpyX « porteur d’ogives de 2,5 kg pour des frappes de précision faites
à une vitesse de 250 km/h [1]».
De sorte que la normalisation semble avoir pour le Maroc une double fonction : permettre à Israël de perfectionner son arsenal génocidaire et obtenir en contrepartie des facilités pour voler au secours du peuple génocidé.
La coopération israélo-marocaine prend ainsi l’allure d’une macabre économie circulaire : les massacrés, affamés et éclopés de Gaza ne sont pas tout de suite jetés au rebus après la consommation génocidaire barbare dont ils font l’objet. Ils sont recyclés par le soft power marocain pour resservir comme de vulgaires déchets dans le cadre du « soutien traditionnel » apporté par le Commandeur des Croyants à la Palestine et de la « protection » accordée à la première qibla des musulmans. Une dose de sainteté n’a-t-elle pas toujours été injectée dans les entreprises les plus mortifères ?
La perspective ne se découvre cependant entièrement au regard que lorsqu’on éclaire l’autre versant de cette collaboration scélérate dans laquelle se scelle la gémellité des entités alaouite et sioniste.
Il faut en effet savoir que, d’une part, ce n’est pas d’une façon fortuite qu’Israël a testé au Maroc son drone SpyX. Tous les modèles de drones israéliens qui sèment la mort à Gaza ont d’abord été expérimentés contre les pasteurs sahraouis qui s’aventurent avec leurs troupeaux dans les territoires libérés par le Polisario. Au moins 86 civils ont été tués de cette façon au cours des trois dernières années. C’est ce que nous apprend un article publié le 20 mars dernier par le journal français l’Humanité. Et le pacte criminel conclu entre les deux États colonialistes repose sur une complémentarité beaucoup plus large car « Israël exporte désormais ouvertement son savoir-faire colonial pour aider le royaume à maintenir et resserrer son emprise sur le Sahara occidental » . Un colonel sahraoui révèle à l’envoyé spécial du quotidien que depuis la rupture du cessez-le-feu entre Rabat et le Polisario en 2021, les agents de la répression coloniale alaouite bénéficient de « l’arsenal et des technologies que leur offre Tel-Aviv, (des) experts militaires israéliens qui les épaulent et d’informations livrées par des satellites de reconnaissance[2] ».