samedi 25 novembre 2023

QUAND LES MOTS SONT PRIS EN OTAGES


Khaled Satour

L’information qui nous parvient de Palestine en ses heures tragiques est d’abord une affaire de mots.

Les mots par lesquels on décrit les faits, par lesquels on désigne les acteurs et les victimes du conflit.

Les médias occidentaux ont non seulement la puissance que leur confère la portée de leurs moyens de communication mais aussi la suprématie que leur confère une concertation invisible dans le choix des mots qu’ils martèlent à l’unisson des deux côtés de l’Atlantique et jusqu’aux rivages les plus éloignés du Pacifique et de l’Océanie. Il n’est pratiquement pas un article de presse, pas une émission télévisée exempts du rappel des « atrocités du Hamas », des « décapitations » et des « éventrements » qu’il aurait commis le 7 octobre. Un mois et demi après cette journée, alors que la guerre ne se déchaîne plus que sur Gaza et ses habitants, les débats, les analyses et les « révélations » ne concernent que les « horreurs » du 7 octobre alors que rien n’horrifie autant le monde, opinions publiques comprises, que le massacre des Palestiniens : 15.000 morts et 7000 disparus ensevelis sous les décombres ou en état de décomposition dans les ruines de leurs habitations, parmi lesquels 70% de femmes et d’enfants.

Et puis il y a les « otages » israéliens dont on nous dit qu’un certain nombre sont en train d’être « rendus à leurs familles » en contrepartie de la « libération » par Israël de « prisonniers » palestiniens. La sémantique est ici aussi codifiée et concertée. Les preneurs d’otages sont palestiniens et obtiennent par le chantage la libération de prisonniers détenus dans les geôles de la « seule démocratie du Proche-Orient ».

Enlèvements, kidnappings d’otages et chantage d’un côté, libération, élargissement de détenus de l’autre.

Les premières femmes palestiniennes rendues hier à la liberté, dont la plupart étaient des jeunes filles à peine majeures détenues souvent sans jugement, ont toutes décrit la torture, les insultes, les humiliations, les privations de soins dont elles ont fait l’objet de la part des autorités israéliennes.

Quant aux treize Israéliens que le Hamas a remis à la Croix Rouge, les services de la propagande israélienne n’ont pas fini de les débriefer mais ils préparent déjà l’opinion au constat qu’ils sont en aussi bonne santé que possible, au regard des conditions de vie qu’ils ont partagées avec les Palestiniens de Gaza bombardés jour et nuit pendant un mois et demi.

I24, porte-voix d’Israël, les a qualifiés d’ « otages du diable ». Rappelant que « les nazis exécutaient des civils innocents par dizaines », la chaîne laisse entendre que le Hamas n’aurait pas manqué de faire subir le même sort aux « otages » mais ne les a épargnés que parce qu’il « a compris que les otages devaient être maintenus vivants et en relative bonne santé, pour servir de monnaie d’échange, pour des trêves, pour des libérations de terroristes détenus dans les geôles israéliennes, pour du carburant et du gaz[1] ».

A supposer que ce calcul ait été fait par le Hamas, ce qui serait à la fois de bonne guerre et de bonne morale, la question est de savoir pourquoi Israël n’a pas été aussi prévenant avec les Palestiniens qu’il a entassés par milliers dans ses prisons, dont certains sont incarcérés depuis des décennies sans espoir de revoir la lumière du jour, dont nombreux sont ceux qui sont morts en captivité. Elle est plus largement celle de savoir pourquoi Israël a pris en otages tous les Palestiniens des territoires occupés et d’une manière plus impitoyable ceux de Gaza dont le sort est sans doute le plus proche des victimes du nazisme enfermées dans les camps de concentration et auxquels il a décidé ces dernières semaines d’appliquer une « solution finale ».

200 Israéliens détenus à Gaza contre neuf mille Palestiniens croupissant dans les geôles israéliennes et 1 million et demi soumis aux massacres et à l’exode. Un peuple d’otages livré à la toute-puissance d’un appareil militaire génocidaire, telle est la sémantique la plus fidèle au réel.

Le 7 octobre ne changera peut-être pas cette équation mais d’ores et déjà, à l’heure où la trêve des combats accorde un répit à Gaza, il a livré un verdict : il était à la fois légitime et stratégiquement juste que les combattants palestiniens rentrent à Gaza avec des prisonniers civils et militaires. Ne serait-ce que pour qu’ils fassent l’expérience de l’enfer que leurs élus réservent en leur nom aux Palestiniens.  Et qu’on leur permette peut-être d’en témoigner.

 

2 commentaires:

  1. Après une telle sentence de votre part "𝐢𝐥 é𝐭𝐚𝐢𝐭 à 𝐥𝐚 𝐟𝐨𝐢𝐬 𝐥é𝐠𝐢𝐭𝐢𝐦𝐞 𝐞𝐭 𝐬𝐭𝐫𝐚𝐭é𝐠𝐢𝐪𝐮𝐞𝐦𝐞𝐧𝐭 𝐣𝐮𝐬𝐭𝐞 𝐪𝐮𝐞 𝐥𝐞𝐬 𝐜𝐨𝐦𝐛𝐚𝐭𝐭𝐚𝐧𝐭𝐬 𝐩𝐚𝐥𝐞𝐬𝐭𝐢𝐧𝐢𝐞𝐧𝐬 𝐫𝐞𝐧𝐭𝐫𝐞𝐧𝐭 à 𝐆𝐚𝐳𝐚 𝐚𝐯𝐞𝐜 𝐝𝐞𝐬 𝐩𝐫𝐢𝐬𝐨𝐧𝐧𝐢𝐞𝐫𝐬 𝐜𝐢𝐯𝐢𝐥𝐬 𝐞𝐭 𝐦𝐢𝐥𝐢𝐭𝐚𝐢𝐫𝐞𝐬", je pense que vos délires anticolonialistes ont atteint les sommets de l'ignominie et de l'indécence. Je voudrais votre réaction si un de vos gosses de deux ans se faisait rapter, même par le plus gentille des kidnappeurs ne serait-ce que pour un court instant. Votre blog transpire la haine des juifs mais vous savez comment assaisonner votre salade idéologique pour ne pas afficher ouvertement votre antisémitisme. PS: Essayez pour votre prochain article de nous relater avec détails et précisions tous les Oradour-sur-Glane (crime de masse nazi que vous avez abordé sur ce même blog) que l'armée "libératrice" du FLN a perpétré avec une sauvagerie sans pareille contre sa propre population.

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    1. Quand je sais que j’ai affaire à une armée de génocidaires sans foi ni loi qui va massacrer mes compatriotes par milliers, femmes, hommes, enfants et bébés prématurés, oui, je prends des otages que je traite avec humanité. C’est ma seule chance d’obtenir une trêve. Quant aux « gosses de 2 ans », il y en a combien à Gaza dont vous avez applaudi la mise à mort ? Et puis cette colère vertueuse qui sourd de votre commentaire, je ne la connais que trop bien : c’est celle des apprentis tyrans quand on les met face à la vérité. PS : vous auriez dû le lire, l’article sur les « cent Oradour-sur-Glane » (à la date du 11 juin).

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