mercredi 14 février 2024

L’AFRIQUE DU SUD POUSSE LA CIJ DANS SES DERNIERS RETRANCHEMENTS

Naledi Pandor, ministre des Affaires étrangères sud-africaine

 

Khaled Satour

En la saisissant le lundi 12 février dernier d’une « demande urgente de mesures additionnelles », l’Afrique du Sud vient de fournir à la Cour internationale de justice l’occasion de se racheter du manquement à ses obligations dont elle a fait preuve dans son ordonnance du 26 janvier.

L’Afrique du Sud demande à la Cour d’intervenir à nouveau en vertu des pouvoirs que lui confère l’article 75 de son règlement qui dispose qu’elle « peut à tout moment décider d’examiner d’office si les circonstances de l’affaire exigent l’indication de mesures conservatoires que les parties ou l’une d’elles devraient prendre ou exécuter ».

Elle lui rappelle que sa jurisprudence lui permet « en cas d’extrême urgence, (de) procéder sans tenir d’audience à l’indication de mesures conservatoire et qu’ il [lui] appartient … de décider si, au vu des particularités de l’espèce, elle doit faire usage dudit pouvoir ».

Or, relève-t-elle, le gouvernement israélien a déclaré le vendredi 9 février qu’il était « impossible d’atteindre l’objectif de la guerre consistant à éliminer le Hamas si on laisse quatre de ses bataillons à Rafah », précisant qu’une « opération massive à Rafah nécessite l’évacuation de la population civile des zones de combat. C’est pourquoi le premier ministre, Benjamin Netanyahu, a ordonné aux forces de défense israéliennes et aux responsables de la sécurité de lui présenter un plan combiné pour évacuer la population et détruire ces bataillons ».

L’Afrique du Sud y ajoute les propos tenus par Netanyahou le dimanche 11 février affirmant qu’Israël allait « éliminer les bataillons terroristes du Hamas qui restent à Rafah », quelques heures avant que l’armée israélienne ne lance une offensive militaire sans précédent « qui menace à chaque instant de s’intensifier encore, notamment sous la forme d’une invasion terrestre ».

Citant les propos alarmistes du secrétaire général de l’ONU, de l’UNICEF, de l’UNWRA et de plusieurs ONG qui prévoient qu’une telle offensive provoquerait un « bain de sang » parmi les  1,4 million de personnes, dont environ la moitié d’enfants, dont Israël a provoqué le regroupement à Rafah, « l’Afrique du Sud prie donc la Cour d’examiner de toute urgence si l’évolution de la situation à Rafah exige qu’elle exerce le pouvoir que lui confère le paragraphe 1 de l’article 75 de son Règlement afin de prévenir une nouvelle violation imminente des droits des Palestiniens de Gaza ».

Il est clair que la Cour est ainsi mise devant l’obligation de prendre la seule mesure qui vaille, celle qui s’imposait déjà lors de sa dernière audience : ordonner à Israël de cesser immédiatement ses opérations militaires à Gaza.

La Cour saisira-t-elle la perche qui lui est tendue ? La pusillanimité de l’ordonnance qu’elle a rendue le 26 janvier[1] a jusqu’à présent paralysé toute initiative possible au niveau du Conseil de sécurité en vue de la rendre exécutoire. Un projet de résolution exigeant un cessez-le-feu porté par l’Algérie, seul membre arabe du Conseil, avait circulé au début du mois de février mais les Etats-Unis ont clairement fait savoir qu’ils s’y opposeraient.

Plusieurs centaines de civils palestiniens sont morts sous les bombes qui écrasent Gaza depuis l’ordonnance rendue par la Cour, des dizaines d’autres ont été froidement exécutés par les snipers israéliens, les hôpitaux qui subsistent sont assiégés et l’acheminement de l’aide alimentaire et médicale est plus que jamais empêché par l’armée israélienne et par le blocage des points de passage auquel se livrent des commandos de colons fanatisés.

L’élection le 6 février dernier à la vice-présidence de la Cour de la juge ougandaise Julia Sebutinde, qui fut la seule juge à s’opposer aux mesures pourtant bien timides prises le 26 janvier pour contenir la folie meurtrière israélienne, est plutôt un mauvais indicateur de la disposition de la juridiction à se montrer plus ferme.

Dans le paysage du renoncement mondial et de l’indignation morale convenue et stérile que les Etats occidentaux et arabes opposent sans conviction au génocide en cours, l’Afrique du Sud, tout au moins, confirme une pugnacité qui lui fait honneur.


[1] Voir sur ce blog l’analyse critique de cette ordonnance dans l’article du 29 janvier 2024 intitulé « Face à Israël, la cour internationale de justice abdique son autorité ».

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