lundi 20 mars 2023

LES HAUTES SPHÈRES DU « KHABARDJISME »


 Khaled Satour

Il est à nouveau question du « khabardjisme » et des traîtres à la nation qui s’y livrent. Ces « traîtres » accomplissent si sournoisement leur œuvre que cette fois il a fallu avoir recours à Wikileaks pour mettre au jour les télégrammes secrets de l’ambassade américaine à Alger dans lesquels sont consignées leurs forfaitures. Et l’affaire est sérieuse, on peut en croire les patriotes vigilants qui l’ont déterrée !

Karim Tabbou, alors jeune premier secrétaire du FFS, révèle à cette occasion l’étendue de sa félonie. On découvre en effet qu’il a « informé » la représentation US lors d’une réunion tenue le 14 novembre 2007 que « la politique en Algérie était discréditée », « qu’il existe une déconnexion entre les Algériens et leur gouvernement » et « qu’il était très difficile de faire voter les Algériens ».

Autant d’éléments d’une réalité qui, bien sûr, n’était pas commentée à satiété par les Algériens et que le département d’État américain était loin de soupçonner !

Un chef de parti qui livre ses impressions politiques à l’ambassade US, s’en faisant ainsi le khabardji, il n’y a pas de doute, l’atteinte à la souveraineté nationale était gravissime au point que, aujourd’hui, plus de 15 ans après les faits, il fallait absolument la porter à la connaissance de tous en recouvrant le coupable de tout l’opprobre qu’il mérite !

Il faut croire pourtant que les autorités algériennes ne l’avaient alors pas seulement cautionnée mais qu’elles s’en étaient inspirées par anticipation puisque quelques années plus tôt, en 1997 selon la communication de l’ambassade US[1], elles avaient décidé d’en institutionnaliser la pratique en organisant à grande échelle une opération de « khabardjisme » à laquelle elles ont associé tous les partis politiques algériens.

Elles ont installé en Algérie, à cette fin, l’un des plus beaux fleurons du soft power américain, le National Democratic Institute (NDI), qu’on rattache par euphémisme au Parti Démocrate mais dont on connaît les accointances avec la CIA et ses différents démembrements chargés de l’exportation de la démocratie (notamment la désormais célèbre NED).

Et c’est le journal en ligne Algérie Patriotique (à l’époque où l'agressivité de son patriotisme ne se focalisait pas encore sur le menu fretin) qui nous annonçait le 13 novembre 2013 que le NDI allait recevoir l’agrément des autorités algériennes. Il précisait que cela lui permettrait « de sortir d’une situation de quasi-clandestinité qui dure depuis son installation en Algérie, il y a plus de six ans », au cours desquels « cette ONG n’a jamais réellement été inquiétée. Elle a, en effet, toujours activé en toute liberté… tenant des réunions avec des organisations et même des partis politiques, souvent couvertes par la presse nationale. Il a, bizarrement aussi et depuis toujours, chapeauté l’Observatoire national de la société civile pour la surveillance des élections »[2].

Très curieux en effet qu’une organisation aussi sulfureuse ait pu prospérer « quasi clandestinement » en territoire algérien pendant 6 ans, bénéficier des informations et analyses fournies bien volontiers par les partis politiques et prendre sous son aile cet observatoire national, et tout cela sans légalisation ni contrôle mais bien sûr avec l’aval des autorités.

Et le même journal nous précisait le 29 septembre 2014 que la direction du NDI avait reçu successivement en septembre 2013 à son siège « des délégations du MSP, du FLN et du RND » et, mieux encore, que « cette diversification et intensification des consultations montrait le souci de cette organisation américaine d’avoir une analyse plus complète et plus concentrée sur les tendances au sein de la classe politique algérienne »[3].

« Une analyse plus complète et concentrée sur les tendances au sein de la classe politique algérienne » ! Fichtre ! C’est du khabardjisme de haute volée ou je ne m’y connais pas ! A côté de quoi, les lieux communs que Karim Tabou a livrés sous le sceau du secret à l’ambassade US, et qui ne nous ont été révélés qu’au prix d’une recherche experte et obstinée dans les documents de Julian Assange, relèvent de l’omerta patriotique !

Si Tabbou est un traître, comme n’a pas hésité à le qualifier un youtubeur qui s’est fait le relayeur de ce genre de lynchage, que dire de l’ensemble de la classe politique, dont l’essentiel demeure en scène, qui a déféré à la convocation du NDI pour venir se disputer le crachoir qu'il lui tendait, au temps de la splendeur algérienne de cet organisme ?

Et comment qualifier les plus hautes instances du pays qui ont accrédité cet appendice de la CIA, ainsi que tant d’autres organes emblématiques de l’influence américaine, notamment le FBI qui a longtemps tenu un bureau de liaison à Alger et s’est impliqué, selon une annonce faite par l’ambassade US en juin 2014, dans des réunions avec « des enquêteurs de la Gendarmerie Nationale, de la DGSN, des Douanes et d’autres organismes algériens tels que la Cellule de traitement du renseignement financier (CTRF) ainsi que des banques publiques et privées » ? Le FBI qui, quelques années plus tôt, avait dispensé des séminaires de formation à l’École nationale d’Administration, pépinière désormais avérée de premiers ministres et même de présidents de la République.

Briefés en si haut lieu, que pouvaient bien ignorer les États-Unis de la situation politique, financière, sécuritaire, etc., de l’Algérie qu’ils aient eu besoin d’aller chercher auprès de Karim Tabou, d’Ihsane El Kadi ou de Mostafa Bouchachi.

Le cercle des « khabardjia », s’il fallait consentir à ce vocabulaire ignoble, logerait plutôt, comme on le voit, aux étages supérieurs de la nomenklatura algérienne.

C'est dire que, s’il est vrai que les États-Unis ont dressé une meute de loups à la prédation de pays comme le nôtre, la seule vraie question à laquelle il faut apporter une réponse patriotique est celle de savoir qui les a fait entrer dans la bergerie algérienne.

1 commentaire:

  1. Le jour où les archives de l'armée française seront déclassées, un voeux pieux, on pourra enfin mettre un nom sur tous les sycophantes de haut niveau qui durant la guerre de libération ont travaillé avec le SDECE ...et qui à l'indépendance se sont autoproclamés héros de la révolution...tout en continuant a collaborer avec la DGSE durant des années encore. Tout cela pour dire que ce régime illégitime est très mal placé pour donner des leçons de probité, car pour pour durer, il a besoin de l'expertise des puissants services étrangers, et cela ne se fait pas sans contrepartie. Nacer. B.

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