Khaled Satour
Il importe peu que les 5000 bipers piégés acquis par le Hezbollah aient été livrés par le titulaire de la marque, le taïwanais Gold Apollo, ou par son partenaire hongrois BAC qu’il désigne pour se disculper. Quoi qu’il en soit, la faille sécuritaire est là, grave, inquiétante. Qu’un matériel soit importé en si grand nombre et distribué aux militants sans aucune expertise préalable, dans un contexte de guerre ouverte avec Israël, est inexplicable. On verra si Hassan Nasrallah trouvera, dans la déclaration qu’il doit faire demain, quelque biais pour s’en dédouaner.
Mais cette tragédie qui a entraîné la mort de 9 personnes et causé des blessures graves à près de 3000 autres devrait surtout attirer l’attention sur ce qui n’est rien de moins qu’un acte terroriste de masse commis en toute impunité par Israël et qu’on ne songe pas apparemment à dénoncer comme tel.
Les appareils ont explosé hier un peu partout sur le territoire libanais loin du champ de bataille mais dans les divers espaces de la vie civile et notamment familiale de leurs détenteurs et c’était bien là l’intention des auteurs de cette opération : tuer et blesser indistinctement les militants du Hezbollah et des enfants et des adultes faisant partie de leur entourage habituel ou occasionnel.
Cet acte terroriste, totalement dissocié de la guerre et des justifications que celle-ci peut fournir à ses auteurs, s’apparente aux attaques du 11 septembre et excède de beaucoup l’arbitraire, la barbarie et l’envergure des attentats attribués aux organisations islamistes ces dernières années sur le territoire de nombreux États européens. Contemporain du génocide en cours à Gaza, il confirme qu’Israël est détentrice d’un permis de tuer sans limite et sans avoir de comptes à rendre à la si mal nommée communauté internationale.
La preuve en est qu’il ne semble devoir susciter chez les dirigeants occidentaux et arabes qui cautionnent la folie criminelle israélienne et dont certains ont probablement trempé dans sa réalisation, aucun sursaut tardif de la conscience.
Cet épisode est propice à une extrapolation sur le traitement moral et juridique d’un conflit qui menace la région de dérives de plus en plus imprévisibles. Il confirme que les relations internationales, ainsi que le droit international qui est censé les régir, sont devenus depuis le 7 octobre 2023 un champ de permissivité illimité de la barbarie sioniste.
Est-il seulement encore possible que la Cour pénale internationale ou la Cour internationale de justice s’enhardissent à mettre fin à cet état de fait ? La première, otage des pressions mafieuses de l’Occident, et la seconde, contrôlée par les juges qui le représentent, se paient le luxe de tergiverser alors que l’incendie ne cesse de s’étendre. Elles ne semblent pas près de venir remettre en cause le rapport de forces qui a présidé à leur création.
On peut toujours rêver que la CIJ notamment, saisie depuis 9 mois par l’Afrique du Sud, reconnaisse enfin qu’un génocide se perpètre à Gaza. Mais il y a fort à parier qu’elle se refusera à provoquer un tel séisme qui ébranlerait à sa racine la représentation humanitaire du monde établie une bonne fois pour toutes depuis le procès de Nuremberg.
On ne permettra pas à la juridiction internationale de boucler la boucle amorcée à partir du génocide des juifs par un génocide attribué à l’État juif.
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