Par
Khaled Satour
En
ce lendemain de la cinquième journée de manifestations populaires en Algérie,
la situation est loin de se décanter et de nombreux questionnements légitimes
demeurent sans réponse. Ceux qui, sacralisant l’énergie et la maturité du
peuple, ont déjà décidé que la « révolution » était promise sans coup
férir à la victoire vont trop vite en besogne. En réalité, les difficultés sont
à venir et on ne peut exclure que le mouvement de contestation pacifique
débouche sur une épreuve de force.
DE QUOI BOUTEFLIKA EST-IL LE NOM ?
I
-
Le premier questionnement concerne les forces qui, au sein du pouvoir dans son
acception la plus large, soutiennent le projet de Bouteflika de se maintenir au
pouvoir. Et comme il est certain que l’actuel président n’est pas l’auteur des
lettres qui s’obstinent à défier la volonté de la rue, l’énigme qui demeure
irrésolue peut se formuler comme suit : de quoi Bouteflika est-t-il le
nom ? On a pris l’habitude de sérier le clan Bouteflika dans sa fratrie,
avec ce qu’elle s’est agrégé de clientèle au sein des appareils d’Etat, des
partis de la majorité et du milieu des affaires. Que ce groupe bénéficie
d’appuis au sein de l’armée et des services de renseignement, qu’il a
restructurés à son profit, n’est en outre pas douteux. Mais tout le monde
s’accorde pour dire que l’armée maintient son esprit de corps et sa primauté.
Elle détient le pouvoir en dernière analyse depuis les premières heures de l’Etat
algérien et des autorités civiles n’ont jamais gouverné le pays que par la
délégation de prérogatives qu’elle leur a consentie.
Que
vaut aujourd’hui cette lecture des rapports de pouvoir ? Force est de
constater que ceux dont le nom est Bouteflika semblent s’être arrogé un
privilège que l’armée s’est jusqu’à présent jalousement réservé : celui de
faire un coup de force contre la constitution. Car, depuis le renversement de
Ben Bella le 19 juin 1965 jusqu’à la démission forcée de Liamine Zeroual en 1998,
en passant par la démission de Chadli et l’interruption du processus électoral
en 1992, c’est toujours l’armée qui a, plus ou moins ouvertement, fait les
coups d’Etat, « gelé » ou suspendu la constitution, et encore ne
l’a-t-elle fait qu’en déguisant la brutalité de ses interventions sous des
simulacres institutionnels destinés à ménager une légalité de façade.
Précaution dont s’est dispensé Bouteflika.
Ajoutons
que, comme pour donner au coup de force un caractère d’irréversibilité, ses
auteurs tentent de le faire entériner au plan international. Le programme
annoncé le 11 mars est actuellement plaidé auprès de puissances étrangères dont
les intérêts stratégiques en Algérie s’étendent à la défense nationale et qui
ont les motifs et les moyens de peser de leur poids sur les événements.
On
se plaît à soutenir que le dernier mot n’est pas dit et que la sortie de la
légalité constitutionnelle ne serait consommée que le 28 avril prochain. Mais,
si on devait s’en tenir aux dispositions combinées de la constitution et de la
loi organique régissant l’élection présidentielle, le coup de force est déjà
constitué[i], et de
toute façon, au-delà de tout formalisme juridique, la tentative est déjà assez sérieuse
et persévérante pour semer le trouble dans les esprits.
Dès
lors, faut-il considérer que nous assistons au premier coup d’Etat tenté sans
l’armée (et donc forcément contre elle), à rebours d’une tradition
cinquantenaire, ce qui signifierait qu’un coup de force opèrerait à l’intérieur
d’un autre, celui-ci de portée historique ? Ou bien faut-il supposer,
et c’est le plus vraisemblable jusqu’à plus ample informé, que cette tradition
demeure insubmersible, ce qui induirait que l’armée est associée, par
attentisme ou par calcul, au « nom de Bouteflika » ?
II
-
L’évolution de la démarche du mouvement populaire n’est pas indifférente à
cette problématique. Celui-ci reste dans l’attente d’une réaction, venant de
l’intérieur du pouvoir et qui mettrait un terme à l’entêtement grotesque et
extravagant qui s’exprime au nom de Bouteflika. Il a tempéré pour cette raison
ses slogans de rejet en visant la « bande », la « clique »,
« Bouteflika et Saïd ». S’il a demandé le départ du « système »,
terme générique qui serait plus approprié, au sens littéral, pour désigner la
totalité des instances au pouvoir, c’est uniquement parce que les slogans
contre le « régime » étaient rendus tabou par le précédent tragique
des « printemps arabes ». Tout indique jusqu’à maintenant qu’il est
tenu d’attendre qu’une main lui soit tendue par l’armée. Or, celle-ci veut-elle
et peut-elle le faire ?
UNE SPONTANÉITÉ ENCADRÉE
III
-
Ce qui nous conduit aux questionnements que suscitent la nature et les
objectifs de ce mouvement.
A-
Est-il spontané ? Et d’abord, que faut-il entendre par l’idée même de
spontanéité ? Qu’il soit légitime et qu’il soit intervenu fort à propos
n’est pas contestable. La sincérité et l’authenticité de l’élan populaire qui a
déversé dans la rue algérienne des millions de personnes ne sauraient être
mises en doute.
Et
de prime abord, je serais personnellement tenté de croire, malgré la défiance
que m’a toujours inspirée le spontanéisme des masses, qu’il ne faut voir dans
cette éruption qu’une réaction collective de sauvegarde opposée à des
initiatives outrancières et grotesques du pouvoir, avilissantes pour la
communauté nationale et son Etat. Dès lors, s’il fallait rechercher, derrière
la contestation algérienne, une entreprise de déstabilisation du pays, on
serait tenté de penser que son principal instigateur serait le régime lui-même
(entendu au sens restreint du clan Bouteflika) dont la persévérance à maintenir
un statu quo intolérable constitue une provocation.
Il
n’en demeure pas moins que le mouvement a paru dès sa naissance
particulièrement bien encadré et outillé de techniques qui sont trop
professionnelles pour relever de l’improvisation. Il a tout de suite trouvé ses
marques dans des consignes d’action pacifique et de civisme qui sont, il faut
bien l’admettre, si éloignées du modus operandi de toutes les
protestations qui l’ont précédé que les Algériens eux-mêmes ont du mal à s’y
reconnaître et en conçoivent une fierté outrancière. Il est remarquable aussi
que les services de sécurité n’ont pas paru pris au dépourvu et ont d’emblée
décidé de ne pas réprimer, ce qui est bien sûr salutaire.
Le
plus déroutant reste cependant toutes ces touches d’enchantement dont le
« hirak » semble avoir découvert le secret et qui sont
incontestablement le fait d’un parrainage médiatique d’une haute compétence qui
a su produire et diffuser une iconographie digne de cette « révolution du
sourire » (dénomination qui, en termes d’inventivité, n’a rien à envier à
la « révolution du jasmin » tunisienne). Cet apparat suscite un malaise
d’identification tant il ressemble à un masque de chirurgie esthétique apposé
sur la rue algérienne et la masse qui l’occupe sans discontinuer.
B-
Est-il politiquement à la hauteur de la tâche qu’il s’est donnée ?
C’est
le questionnement le plus crucial.
1°
- Il est indéniable que c’est à une action éminemment politique qu’il s’est
attelé, sinon par la volonté consciente de la multitude d’acteurs qui y
participent, du moins par les conséquences qu’elle entraîne.
La
sociologie du 20e siècle a lié la consolidation du pouvoir sous la
figure de l'Etat moderne à un processus de professionnalisation de la
politique. L’un de ses précurseurs, Max Weber, affirmait qu’un exercice
"occasionnel" de la politique n’avait survécu à cette mutation que de
façon résiduelle[ii].
Mais
le fait est qu’en ce début du 21e siècle, une classe
insurrectionnelle universelle, fille des technologies qui ont révolutionné
la communication de masse est apparue sur plusieurs théâtres de contestation et
vient complexifier la nomenclature. Ses membres sont en effet, quoi qu’ils
puissent trouver à y redire, à la fois des intermittents de la politique et des
activistes redoutablement efficaces.
Elle
utilise certes des moyens formellement pacifiques, à l’incitation des groupes Facebook
et du prêt à porter méthodologique qu’ils diffusent. Mais le même auteur répliquerait à cet
argument que "toute politique utilise comme moyen spécifique la
force, derrière laquelle se profile la violence".
Dans
le tête-à-tête qui résulterait d’une destitution de Bouteflika par l’armée, le
mouvement citoyen serait mis à l’épreuve d’un bras de fer avec les appareils de
la violence par excellence. Ces appareils savent faire preuve de doigté
politique, ils l’ont suffisamment démontré par le passé. Mais, du fait des
enjeux engagés, ils imposeront dans ce tête-à-tête le rapport de forces, dans
sa nudité la plus totale.
Quels
atouts politiques, autres que l’intransigeance de ses refus, cette
entreprenante génération d'activistes pourra-t-elle y opposer ? Il apparaît
en premier lieu que ses capacités de mobiliser entrent en contradiction avec sa
séparation des lieux de décision où se projettent les finalités politiques, des
positions de pouvoir à partir desquels elles se réalisent. Elle se réduirait
bien vite à un figurant et ravalerait à ce rang la masse populaire dont elle
draine l'impressionnante énergie. Elle est sans doute dotée d'une intelligence
de la demande populaire suffisante pour orchestrer l'expression la plus
immédiatement réactive des revendications. Mais, maintenue à la lisière des
centres d’information et de décision, elle est condamnée à un statut
instrumental qui se communique à l'activisme populaire qu’elle entraîne dans
son sillage. Il s'ensuit que la rationalité des processus dont elle est le
déclencheur lui échappe aussi complètement qu'à la "rue" qu'elle met
en action autour de mots d'ordre simples et normés, et lui est tout aussi
étrangère la conscience d'une responsabilité du fait du processus qu’elle
déclenche.
La doctrine de la
révolution non-violente à laquelle se rapporte sans contestation possible
l’action coordonnée par les groupes Facebook accrédite cette infirmité
politique. A titre d’exemple, l'ouvrage de référence, écrit par Gene Sharp,
dont se sont largement inspiré les "révolutionnaires" arabes, et dont
on observe l’influence sur l’action en cours de la rue algérienne[iii], affirme
que « la discipline non-violente » est essentiellement
une "défiance politique", expression qui résonne
malencontreusement comme une méfiance à l’égard de ce que l’action politique a
de positif et de ce qu'elle peut signifier d'engagement. Au titre de la
non-coopération, de nombreuses formes de protestation dont 26 méthodes de
boycott et 23 méthodes de grève[iv] sont proposées. Tout
cela s'énonce dans une négation répétitive de l'agir (non-violence,
non-coopération), une insistance sur l'abstention d'action (boycott, grève),
qui suggèrent que toute imputabilité, toute incrimination sont exclues. Ces
consignes ont pour fonction de nier toute responsabilité dans la violence et de
rejeter une éventuelle contre-violence sur le camp adverse.
Mais on ne déjouera pas
par un tel subterfuge les ruses de la violence. Georges Sorel estimait que
"les hommes qui adressent au peuple des paroles révolutionnaires sont
tenus de se soumettre à de sévères obligations de sincérité" et ne pas
lui dissimuler, par exemple, que "la grève est un phénomène de guerre"[v].
LA TRANSITION : UN CONCEPT INSAISISSABLE ET CONNOTÉ
2°-
Dans l’hypothèse où l’armée finirait par se désolidariser du « nom de
Bouteflika », le mouvement populaire serait-il apte à mener, sur un pied
d’égalité avec l’Etat profond qui lui aurait garanti ce premier acquis, une
authentique négociation sur la fameuse transition réclamée de toutes parts ?
On peut en douter du seul fait déjà de ce thème de la transition.
-
Ce concept est à la fois insaisissable et terriblement connoté. Il est trop
souvent réduit à ces termes strictement procéduraux dont se délectent tant de
cercles néo-démocratiques (dont le dernier avatar en date est le mouvement Mouwatana).
Quelles que soient ses variantes, le processus est toujours conçu en trois
étapes : mise à l'écart du pouvoir actuel – mise en place d'institutions de
transition – élaboration d'institutions démocratiques.
Antérieurement
au "printemps arabe", ce processus relevait d'une représentation
magique de la réforme politique. Faisant le constat de l'inertie des
oppositions légales et de la faiblesse des contestations alternatives, on
s'était mis à imaginer que, prenant miraculeusement acte du mécontentement
populaire, les régimes autoritaires étaient susceptibles de s'effacer de leur
propre chef afin que soit conduite loyalement une transition qui les exclurait
pour de bon du pouvoir, c'est-à-dire de s'autodétruire dans un élan sacrificiel
sans précédent connu, pour qu'enfin la "démocratie" advienne. Quant à
la représentation qu'on s’est forgée de ladite démocratie, différentes
combinaisons plus ou moins heureuses de notions élémentaires tirés des manuels
d'institutions politiques et de la vulgate libérale dominante (Etat de droit,
libertés publiques, pluralisme, élections, séparation des pouvoirs, etc.)
suffisent à la caractériser.
Mais
la dernière décennie a fait l’apport de cet outil inespéré d'enclenchement du
processus qui faisait défaut et qu'on a soudain vu à l'œuvre dans plusieurs
pays arabes : des groupes insurrectionnels servis par les technologies de
communication de masse, capables de créer une agitation multiforme intenable
pour les régimes en place. Les partisans de la transition démocratique magique
ont cru tenir dans ces groupes le deus ex machina qui réintégrerait
leurs rêves dans l'ordre de la réalité.
Le phénomène a déjà
parfait sa légende. On entend dire que c’est le peuple en corps qui se soulève,
s'affranchissant de toutes les médiations et expulsant en particulier une
opposition politique discréditée. On avait surtout tenu ces propos pendant les
« printemps arabes ». Le fait que le peuple ne fasse entendre aucun
discours excédant l'horizon du refus était porté à son crédit. Il se suffisait
de son unité, garante de sa force. En Egypte surtout, la célérité avec laquelle
la mobilisation avait provoqué, grâce aux réseaux sociaux, la chute de Moubarek
augurait, à en croire certains, d'une ère d'invincibilité de la volonté
populaire.
- En vérité, en
Algérie, le mouvement populaire ne pourra faire pièce à un système qui, avec ou
sans Bouteflika, ne voudra pas mourir. A moins qu’il ne fasse évoluer sa
configuration actuelle qui le maintient à un stade infra-politique.
Les
détenteurs du pouvoir ont toujours réglé leurs problèmes en vase clos en niant
au peuple toute possibilité d’en connaître.
Le régime de Bouteflika a poussé jusqu’aux extrêmes limites de la
rupture l’autonomie, la liberté de manœuvre et en définitive l’impunité que le
système a pu conquérir au détriment de la société.
Il
a mené à son terme un processus de substitution d’intérêts privés (qui ne
peuvent s’énoncer qu’au pluriel), à l’intérêt public (qui ne se singularise quant
à lui qu’en hiérarchisant et en synthétisant des intérêts sociaux pluriels). En
d’autres termes, un pluralisme d’intérêts privés, concurrents et antagonistes,
a remplacé, au cœur des instances de l’Etat, l’alchimie complexe et fragile de
l’intérêt public dont l’éviction dessaisit la société de toute influence.
Cependant,
il ne faut pas perdre de vue que les intérêts privés antagonistes, qui ont
anéanti toute conscience de l’intérêt public chez les dirigeants, ne se sont
constitués qu’au prix d’une confiscation des richesses de la collectivité au
profit de groupes compradores et que, à ce titre, leurs enjeux ne laissent pas
indifférents un certain nombre de puissances et de milieux d’affaires
étrangers. Mieux encore, ils sont étroitement imbriqués dans un jeu
d’influences géostratégiques qu’il n’est pas possible d’exclure de toute
réflexion responsable sur la transition.
CONSCIENCE SOCIALE VERSUS « UNITÉ DU PEUPLE »
3-
Or, et cela nous ramène au présent le plus brûlant, cette dimension du problème
requiert qu’une conscience politique, à forte prégnance sociale, éclaire la
mobilisation populaire. Il serait préjudiciable que le mouvement de
contestation actuel ne soit que l’occasion de retourner contre le pouvoir la
prétendue « unité du peuple » que celui-ci a façonné dans ses
laboratoires idéologiques et dont il a bercé les Algériens pour mieux les
neutraliser. Elle serait en effet dans ce nouvel emploi aussi mystificatrice
que dans le premier. Il suffit d’ailleurs d’ouvrir les yeux et les oreilles
pour s’apercevoir que l’idéologie n’a pas désarmé : malgré l’ampleur des
manifestations et la détermination avec laquelle le système est rejeté, tous
ses caciques rendent hommage au peuple : le chef d’état-major de l’armée,
Bouteflika dans les lettres qu’on lui attribue et même les exécutants qu’on
vient de désigner pour contrecarrer la volonté du « hirak » (le
premier ministre Bedoui, son « adjoint » Lamamra, ainsi que
l’insaisissable Lakhdar Brahimi). Les deux partis de la majorité, FLN et RND,
encensent le peuple, de même que cet éternel pilier du système que fut
l’organisation des moudjahidine.
Et
le peuple lui-même semble comme rivé à cette « unité » à laquelle on
l’a assigné. On entend de partout le refus de se « structurer », de
désigner même des porte-parole. On craint, en bougeant seulement une oreille,
de dissiper le charme de la mobilisation.
On
préfère s’agripper aux mots d’ordre idylliques, aux stéréotypes intemporels et
désincarnés dont nous abreuvent depuis plusieurs semaines les groupes Facebook
qui animent les manifestations.
Seulement
voilà, la conscience sociale est trop grande pour entrer dans le format de ces
mots d’ordre. Au contraire de la conscience populaire de masse, elle doit
s’incarner pour fournir son levain à la protestation.
Et
l’incarnation organique, pour éviter le parachutage de personnalités
anonymement cooptées, doit aller de pair avec l’élargissement des thèmes de
revendication. Une unanimité de façade réalisée sur une transition conçue dans
des termes strictement limités à l’idée classique de l’Etat de droit, qu’il
faut bien sûr revendiquer avec force pour abattre l’arbitraire qui a causé des
violations de droit d’une particulière gravité, se ferait au détriment de la
meilleure part du patrimoine hérité du mouvement national. A cet égard, à un
moment où les revirements opportunistes se multiplient, il ne suffit pas qu’on
exhibe des personnalités historiques dans les défilés pour attester d’une
continuité des combats. Encore faut-il redonner vie aux principes de
souveraineté sur les ressources nationales, à la préservation et au
renforcement du secteur public et à la revendication des droits sociaux, le
tout étant indissociable, au plan international, d’un refus de l’hégémonie
impériale et de la réaffirmation de la solidarité avec les peuples sous
domination étrangère (notamment palestinien et sahraoui).
Ce
sont autant de thématiques qui peuvent en outre immuniser dans une certaine
mesure contre la cacophonie des revendications identitaires, tout en conférant au mouvement un caractère de pluralité démocratique et en soumettant son
authenticité et son indépendance à une épreuve de vérité décisive.
Tant
que la contestation ne se donnera pas une représentation sur le terrain, issue
dans la clarté des cadres existants ou en formation au sein de la société, elle
demeurera une proie facile pour la machinerie politique du pouvoir, en
s’exposant à toutes les fuites en avant qui pourraient lui être préconisées à
travers des réseaux virtuels déterritorialisés.
En
attendant, il faut suspendre tout jugement définitif par trop élogieux sur l'avenir du mouvement et sa
réalité profonde.
[i] L’article 25 de
la loi organique dispose que « le corps électoral est convoqué par décret
présidentiel dans les trois mois qui précèdent la date des élections ». Les
élections présidentielles prévues le 18 avril ayant été annulées, d’autres ne
peuvent plus se tenir dans les délais prescrits.
[ii] "Lorsque nous mettons notre bulletin de vote dans
l'urne ou lorsque nous exprimons pareillement notre volonté, par exemple en
manifestant notre désapprobation ou notre accord au cours d'une réunion
politique" (In Le savant et le politique, Editions Plon,
Bibliothèques 10/18, Paris, 2012, p.135).
[iii] Rituel répétitif des vendredis, appels à fraterniser
avec la police, consignes de nettoyages des voies publics, etc. Le tout
illustré par une iconographie surréaliste, largement diffusée, de femmes
offrant des fleurs aux forces de l’ordre, de cordons de manifestants protégeant
la police, d’un policier pleurant d’émotion et surtout de femmes et d’enfants
particulièrement photogéniques mêlés aux cortèges.
[iv] De la dictature à la démocratie, un cadre conceptuel
pour la liberté,
L'Harmattan, 2009. Edition électronique en format PDF, Université de Grenoble,
Pierre Mendès-France. (Citations des pages 56 et 57).
[v] Réflexions sur la violence, Marcel Rivière
et Cie, 1919, p. 433. (In La violence, textes choisis, Corpus,
Flammarion, Paris, 2000, p. 105).
Comme vous l'avez si bien dit dans le préambule de cette intéressante analyse qui nous offre une nouvelle grille de lecture, le pire est à venir surtout après la destitution de Bouteflika par l'état major. Car le propre de toutes les juntes militaires est de ne jamais transmettre le relais, même si par certains fallacieux artifices constitutionnels elles essayent de donner à leurs tours de passe-passe un côté légaliste,voire démocratique, ce qui est en train de se passer justement en Algérie. Yazid
RépondreSupprimerComment redresser les choses face à une vacance du pouvoir et sans se retrouver avec une nouvelle junte militaire qui fera émerger de nouveaux caciques. Le peuple algérien est confronté à cet obstacle futur et refuse de se retourner vers que l'on lui présente comme unique alternative : or, si les Algériens sont unanimes pour mettre fin à une oligarchie et à des caciques qui ont pourri la vie politique, économique, sociale et culturelle algérienne, dans le fond leurs divisions (héritage des caciques) peut balancer dans les extrêmes, soit s'en remettre aux militaires, soit se tourner vers une guerre civile.
RépondreSupprimerEt les Algériens ne veulent généralement ni les uns, ni l'autre.
Une issue positive, démocratique en Algérie serait un espoir pour tous les peuples des autres nations.
Tout à fait bien analysé.
RépondreSupprimerHeureux de retrouvez vos pertinents articles monsieur Sator. Avec ce qui s'est passé hier, on peut dire que l'Algérie est frappée d'une malédiction. En effet, aucun de ses présidents n'est allé au bout de son ou ses mandats. Le perfide Ben Bella a été destitué après un coup d'état militaire. Son dictatorial successeur, le colonel Boumediene a été vaincu, contre toute attente, par la maladie. Puis, c’est au tour de l’inconstant Chadli d’être renvoyé dans ses foyers, suite à un coup d'état "civil" mené par une redoutable junte militaire. Viens ensuite, l'opportuniste Boudiaf qui a été lamentablement assassiné par le clan mafieux qui l'a ramené, qui quelques temps plus tard fait démissionner son successeur, le mollasse général Zeroual. Reste le dernier, le plus pervers de tous, Bouteflika, il a été dégagé grâce à la rue, aidée "miraculeusement" encore une fois, par un putsch militaire, qui ne dit pas son nom. Voilà, à travers cette digression qui est quelque peu très éloignée de vos fulgurances intellectuelles, j’ai essayé de dire tout le mal que je pense de ce régime algérien, qui depuis l’indépendance, ne s’est maintenu en place que grâce au crime, la terreur et la torture... et n’a fructifié que par la corruption et la prédation à grande échelle. Amicales salutations.
RépondreSupprimerTahar
Heureux aussi de vous retrouver, Tahar. Vos rappels sont exacts et j'adhère tout à fait à votre opinion. Avec mes amitiés.
SupprimerQuelque part comme vous l'annonciez dans votre article, les masques viennent de tomber. Ainsi,le pouvoir algérien n'a en rien changé. Pour preuve, ce sont des sénateurs et députés de la pernicieuse ère Bouteflika qui viennent d'introniser ce président par intérim, l'homme des basses oeuvres du clan Bouteflika, et donc de Ben Salah. Un général en charge, nous dit-on, de démocratiser le pays. La deuxième république algérienne n'est pas prête du tout de voir le jour.
RépondreSupprimerSincères Salutations.
Bonjour et merci pour votre remarquable contribution qui gagnerait à être plus médiatisée. Même si je suis à des milliers de kilomètres du pays et que je n'ai aucune envie de revivre ou faire revivre à ma famille les mortifications de ma jeunesse, l'avenir de l'Algérie ne me laisse en rien indifférent, bien au contraire. Mais quel avenir ? Voilà que le commandement suprême de l'armée décide de nommer son élément le plus âgé, Gaïd Salah, « proconsul » d’Algerie, ce qui permet à ce dernier d'exaucer, au-delà de toutes ses espérances, le rêve de l'ex président Bouteflika, en inaugurant son cinquième mandat avec quelques jours d'avance avec la nomination scandaleuse de l'ancien président du sénat et homme lige attitré de la criminelle coterie. Après avoir fait ce constant, on ne peut être que très inquiet qu’en à l’avenir du pays, car l’histoire algérienne, même bien avant de l’indépendance , est on ne plus clair à ce sujet, les militaires ont toujours eu le dernier mot. Liquidations physiques , tortures, arrestations et internements massifs, font que leur ordre est vite rétabli. J’espère de tout mon cœur avoir tort dans mon humble analyse, mais malheureusement beaucoup d’indices me font craindre le pire. Bien à vous. Djillali. M.
RépondreSupprimer