Khaled Satour
Il m'était
d'abord apparu qu'il ne valait pas la peine de consacrer un nouvel article à la
Villeneuve de Grenoble pour y démonter les ressorts du reportage que lui a consacré
France 2 le 26 septembre dernier[1].
Mais j'ai entendu le commentaire fait par le candidat du Front national, sorti le 6 octobre grand vainqueur du premier tour de l'élection cantonale de
Brignoles, affirmant qu'il s'était constitué en France trop "d'enclaves
maghrébines"[2]
qu'il fallait reconquérir, et ce discours m'a soudain fait voir le reportage
sous un jour qui m'avait échappé. Le propos implicite de la journaliste d'Envoyé
spécial n'était-il pas de montrer les conséquences menaçantes de l'enfermement
ethnoculturel dans un quartier qui fut par le passé le symbole de la
cohabitation dans "la diversité"?
UNE INCRIMINATION COLLECTIVE
Il se
dégage en effet du reportage un diagnostic d'une outrance inexplicable à
première vue : l'ensemble de la société regroupée sur ce territoire y semble
atteinte d'un dérèglement anomique. Elle donne l'impression d'être entrée dans
une espèce de guerre de tous contre tous aux lignes de confrontation enchevêtrées
: guerre permanente menée comme il se doit par la population contre l'autorité
légitime, à laquelle la journaliste, embarquée (embedded) avec les
policiers, comme ses collègues américains l'avaient été naguère avec les GI's
en Irak, assiste aux premières loges, essuyant en même temps qu'eux les jets
d'objets les plus disparates lancés de nuit à partir des balcons (sans que
l'incident soit le moins du monde contextualisé : patrouille de routine comme
elle le laisse entendre ou arrestations musclées menées au point du jour?);
mais aussi guerres diverses dont les mobiles ethniques et le caractère
terroriste sont fortement suggérés : violences faites aux Roms nouvellement
installés, violences faites aux plus âgés, porteurs "historiques" du
projet urbain, violences faites à tous
les autres, contraints par le climat d'intimidation ambiant de se calfeutrer
dans leurs appartements dès la tombée de la nuit.
C'est
une société qui se serait cloîtrée dans son territoire dont elle repousse toute
velléité d'incursion de la loi dans ce qui s'apparente bien, à voir le reportage
de France 2, à un consensus (tantôt vindicatif, tantôt résigné) de ses membres
puisque, complice de la terreur qu'elle subit, elle expulserait par la violence
les représentants de l'ordre venus la secourir. Une situation dont la
problématique traditionnelle de la délinquance reliée à l'économie parallèle ne
suffit plus à rendre compte et dans laquelle une reprise en main par les moyens
de droit paraît impossible. Or y a-t-il d'autre alternative au droit que la
guerre?
Celle-ci
aurait d'ailleurs quelques adeptes locaux qui apparaissent isolés mais que la
journaliste promeut à un rang emblématique, grossis qu'ils sont par les plans qu'elle leur consacre. Ainsi,
ce jeune qui affirme sous l'œil de la caméra être un ancien enfant soldat d'Angola
pour justifier l'extrême agitation qui le pousse à terroriser un locataire
peureusement abrité derrière sa fenêtre; ou encore cet homme cagoulé qui convie
la journaliste à filmer le carton qu'il fait à une heure avancée de la nuit
avec une arme de poing, pour lui "prouver que le pistolet est bien chargé
de balles réelles". Peu d'images diurnes, ce qui gomme les activités
correspondantes, et dans les espaces de la cité, déserts et menaçants, la nuit est
dédiée, comme dans toutes les guerres urbaines, à la violence.
Réagissant
à la pétition de protestation signée par les habitants du quartier, la
rédaction de France 2 a rétorqué sur tous ces points : "Rien n'a été
scénarisé, ce sont les gens qui parlent tels qu'ils sont"[3].
Les gens, c'est-à-dire, dans ce reportage, exclusivement des agresseurs
potentiels ou avérés et leurs victimes, parmi lesquelles sont rangés les
policiers. Comme il est de règle sur un champ de bataille, il n'y a pas de
tiers magnanime, hors le correspondant de guerre à qui tout ce monde se confie.
Pas de temps morts ni de trêves, qui interrompent habituellement la succession
des affrontements entre les ennemis les plus irréductibles. Le reportage est
construit sur une temporalité d'enchaînement et de causalité et supprime tous
les intermèdes d'articulation, ces moments où se suspendent nécessairement les
hostilités pour que puisse s'exercer une médiation entre les hommes et qu'un
semblant de vie reprenne son cours. C'est sans doute ce que contestaient les
pétitionnaires de la Villeneuve quand ils affirmaient "Nous sommes en
colère, car ce reportage ne montre qu'une face de notre quartier", ne
s'avisant pas que cette complainte adressée à "notre service public de
l'audiovisuel"[4]
réduisait charitablement un acte de
désinformation à un péché véniel d'omission.
Mais,
si l'on retient l'hypothèse que le reportage véhicule en creux un discours
politique sur les "enclaves" étrangères auquel la campagne électorale
de Brignoles vient conférer une actualité brûlante, pourquoi la Villeneuve,
précisément?
Je
crois qu'on peut avancer deux raisons essentielles :
- La
première est suffisamment indiquée par le titre du reportage ("Le rêve
brisé") qui lui sert aussi de fil conducteur, celle-là même qui justifie
en général la dramatisation, depuis trois ans, du moindre événement survenu à
la Villeneuve : il faut faire payer au quartier la rançon de son utopie
fondatrice.
- La
seconde est la filiation qui rattache
cette nouvelle mise en scène médiatique
aux projections apocalyptiques
proférées par Sarkozy dans son discours de Grenoble, devenue depuis lors ville
fétiche de tout discours sécuritaire.
DANS LA FILIATION DU DISCOURS DE GRENOBLE
Commençons
par la seconde : Sarkozy était venu à Grenoble en juillet 2010, après les émeutes
qui avaient suivi la mort de Karim Boudouda[5],
pour affirmer la nécessité pour l’État de déclarer une "guerre
nationale" aux "délinquants" et aux "voyous".
J'avais
alors noté quelques-unes des interrogations que soulevaient de tels propos :
l’Etat réintroduirait-il la guerre dans son propre territoire parce que le
droit ne lui assurerait plus le monopole de la violence? Les seigneurs de
guerre médiévaux se seraient-ils réincarnés dans les "délinquants et
les voyous" de banlieues pour contester sa souveraineté?
Dans
l’Etat français, millénaire et de surcroît « républicain et
démocratique », la guerre était censée, à la date du discours de Grenoble,
avoir été rejetée depuis longtemps hors des frontières. Sur son territoire,
l'Etat ne saurait être le protagoniste d’une guerre, il ne saurait se reconnaître
des ennemis qui le regarderaient en retour comme tel, sans renoncer, ainsi que
l’ensemble de ses institutions, à exister en tant qu’entité générale et
impersonnelle, en tant que tiers impartial, armé de la seule loi.
A moins
bien sûr qu’il n’y ait vraiment un ennemi intérieur assimilable à un
envahisseur qui, à défaut de s'être constitué en faction à l'échelle du pays
pour abattre les institutions, se serait retiré dans des enclaves inexpugnables
soustraites à la souveraineté nationale. Mais il ne suffit pas alors de le
définir comme étant une masse de délinquants ordinaires. Il faut lui trouver
quelque trait d’extranéité et dire par exemple que ces délinquants sont
d’origine étrangère. L’ennemi désigné devient alors crédible, l’étranger étant
l’ennemi par excellence grâce auquel peut se concevoir toute guerre digne de ce
nom, de celles dont le souvenir est le mieux conservé dans les mémoires. Et on
ne saurait mieux imaginer pareilles enclaves que sous la figure de La
Villeneuve telle que décrite par Envoyé spécial à la lumière d'un
discours politique de plus en plus agressif. Si donc le délinquant de quartier
s'est mu en ennemi, entraînant derrière lui toute une population, il faudrait
reconnaître rétrospectivement de la clairoyance au discours de Sarkozy au lieu de
l’outrance qu'avaient cru y déceler tous ceux qui avaient estimé qu’il n'avait
que trop souvent déclaré la guerre à tant d’ennemis.
D’un
autre côté, cet ennemi étant un hybride post-moderne de l’envahisseur et du
malfaiteur, la guerre annoncée se poserait dans des termes inédits et
antithétiques particulièrement intéressants. Car c’est la loi qui désigne le
délinquant et le politique qui désigne l'ennemi, ce qui nous fait une
désignation de trop et surtout un protagoniste de trop. Mais lequel des deux,
la loi ou le politique ?
Si le
départ de Sarkozy nous prive (et nous dispense) provisoirement d'une réponse
explicite à ces questions, on voit bien que cette alternative droit/mesures d'exception ne se profile pas dans la seule
perspective que le Front national remporte en 2014 des municipalités et
transforme en zones de combat des territoires que régit le droit. Un discours belliciste,
délivré à droite comme à gauche, provoque déjà des lézardes dans l'orthodoxie
légaliste. Une sénatrice socialiste de Marseille, Samia Ghali, n'a-t-elle pas
réclamé à cors et à cris l'intervention de l'armée dans les quartiers Nord? Et
que dire des "dérapages" oratoires de Manuel Valls et de nombre
d'autres émules de Sarkozy, confrontés à "l'invasion" rom?
Ce
n'est donc pas fortuitement que France Télévision, en ressuscitant, encore une
fois à partir de Grenoble, la thématique de la guerre, est venue en renouveler
la rhétorique.
La
preuve se veut peut-être ainsi administrée que, Sarkozy n'ayant pas pu tenir sa
promesse, la menace qu'il entendait conjurer s'est réalisée, sur les lieux
mêmes de ses imprécations, sous la forme d'une guerre déclarée (et en passe
d'être gagnée) par l'ennemi qu'il avait
su identifier.
Bien
sûr, avec le reportage d'Envoyé spécial, ce qui était un programme
politique chez Sarkozy, remis à jour à Marseille, Brignoles et ailleurs, est
rétrogradé au rang de représentation (relevant en réalité du délire). En
devient-il plus inoffensif? Rien n'est moins sûr. La représentation de masse,
que les grands médias alimentent par vocation, est infiniment plus difficile
à réfuter que les lubies des hommes
politiques. Le discours de Grenoble avait été violemment critiqué par
l'opposition, ses attaques contre les Roms qu'il avait englobés dans la charge
dirigée contre les émeutiers de la Villeneuve lui avaient même valu un rappel à
l'ordre de l'Union européenne. On a plus récemment raillé les appels à l'armée
de Samia Ghali et critiqué les dérapages de Valls. C'est que, dans la tradition
politique, une doxa de la modération contient la "franchise"
du discours dans certaines limites qui séparent la parole publique de la parole
privée. S'affranchir de cette contrainte, c'est "faire le jeu de l'extrême
droite" (même si insensiblement un discours grandeur nature est en train
de s'élaborer à partir du laboratoire langagier du front national). En
revanche, un reportage télévisé tel que celui de France 2, prétendument fait de
données d'investigation, se donne toute latitude de déguiser une telle
transgression. Il n'a guère besoin de soutenir explicitement une thèse. Il lui
suffit, à un certain niveau d'accumulation des informations et des alarmes
distillées de toutes parts sur un thème sensible, de sélectionner quelques
matériaux prélevés "sur le terrain", pour que se cristallise de façon
quasi subliminale une représentation qui tardait à se préciser. Un tel
minimalisme lui garantit à tous les coups l'impunité en prime à une
inébranlable bonne conscience de ses auteurs.
L'INSUBMERSIBLE ALIBI DE L'"UTOPIE"
S'agissant
de la deuxième explication, l'accent mis par le reportage sur "Le rêve
brisé" de la Villeneuve, elle ressort de la place qu'il fait aux
acteurs historiques de l'utopie urbaine, ces résidents de la première heure dans
leur rôle d'idéalistes impénitents ou cet urbaniste qui revendique encore le
projet fondateur. Curieuse utopie de gauche que celle-ci, en vérité, qui a
voulu braver la loi d'airain de la stratification sociale au cœur des années
70, lorsque les contradictions de classes constituaient l'alpha et l'oméga de
l'analyse sociologique. Cette utopie, rassembler les classes sociales dans un
habitat commun, était, tout au moins dans sa prétention déclarée, une
mystification à laquelle seul le
militantisme d'une fraction "éclairée" de la classe moyenne a permis
de faire illusion. La mixité sociale est une aberration, un oxymore idéologique
que condamnent les réalités tangibles (et par ailleurs intangibles) d'une
société capitaliste – comme de toute société de classe – dont le seul moteur
est la promotion sociale, jusque dans ses signes les plus insignifiants : les
lieux non productifs de l'intimité (des lieux de loisirs et de restauration aux
cabinets de toilette des entreprises) ne se partagent qu'entre égaux. A
fortiori l'habitat, champ de la sociabilité la plus désintéressée où s'éprouve
la communauté de statut et de comportement en tant que condition de la
tolérance réciproque, sinon de la convivialité.
Sur
cette question, il est loisible d'observer à Grenoble ce qu'une ville moyenne de
province peut fournir d'éléments empiriques de jugement. L'espace urbain y est
étroit et soumet la cohabitation sociale à des conditions draconiennes. La
différenciation de classe peut y souffrir des points de contact géographique pourvu qu'on lui épargne un excès de proximité. Pour cela celle-ci
doit être assortie d’une clause substantielle : la hiérarchie est de droit
naturel. Plus que tout autre espace urbain, la province est un réseau de
rapports hiérarchiques de proximité.
Ayant
habité quelque temps le quartier dit des Antiquaires au centre de Grenoble,
j’avais été frappé par l’étanchéité des espaces sociaux les plus contigus. Ainsi,
la rue Bayard et la rue Très-Cloîtres, deux artères parallèles que sépare une
perpendiculaire d’une cinquantaine de mètres à peine, sont coupées l’une de
l’autre par une frontière sociale invisible et pourtant infranchissable. La rue
Bayard est bourgeoise (on lit sur ses boîtes aux lettres beaucoup de patronymes
qui fournissent leurs noms aux rues de la ville), les galeries d’art s’y
alignent. La rue Très-Cloîtres, en attente de rénovation depuis des décennies,
est la rue des cafés et des salons de coiffure maghrébins et abrite l’un des
foyers d’immigrés les plus anciens. Aucun habitant de l'une de ces contrées ne
poussera jamais sa promenade du soir jusqu'à la contrée voisine. Mais
l’abstention des uns exerce une sorte de primauté sur celle des autres :
elle est normative car elle a valeur d’exemple dissuasif donné par le supérieur
hiérarchique. La proximité ne saurait dégénérer en promiscuité.
C’est
une séparation qui s’opère dans les mouchoirs de poche de l’espace urbain et ne
peut se gérer que par la force des conventions implicites. Il n’y a pas ici
l’échelle de grandeur que fournissent des métropoles comme Paris où des
arrondissements entiers ont pu être cédés aux classes populaires,
qu’on avait jadis toute opportunité de venir massacrer sur leurs sites, à chaque fois
qu'elles avaient la velléité d'en déborder comme en 1848 et 1871, avant
qu’elles ne soient rejetées un siècle plus tard dans des banlieues lointaines.
La
proximité géographique des classes sociales dans une ville moyenne comme
Grenoble est sans doute ce qui a pu donner l’illusion d’une mixité
sociale qu’on a voulu dans les années 1970 reproduire in vitro
dans le quartier de la Villeneuve. Le projet était « de gauche » mais
avait-il un autre objectif réaliste que d’imiter la proximité hiérarchique locale?
Les élus, les professeurs, les fonctionnaires et les avocats qui sont venus y côtoyer
les ouvriers et employés étaient sans doute investis d’une mission d’éducation
civique par l’exemple.
Mais on
a fait pousser la Villeneuve dans un champ clos dont les barres d’immeubles
constituent les fortifications. Il faut croire que la concentration volontariste
des catégories sociales a échoué, dans des conditions de promiscuité aussi
extrêmes, à reproduire le modèle subtil de la séparation hiérarchique.
Mystificatrice
à sa genèse, la mixité sociale était devenue au tournant des années 80 une formule
au sens flottant, lestée de tous les non-dits de la novlangue
"républicaine", mais désignant en pratique, sous forme de vœu pieux,
l'improbable cohabitation avec l'émigration africaine et maghrébine. Elle
n'avait dès lors plus qu'une fonction incantatoire sans cesse contrariée par le
discours sur "les bruits et les odeurs" qui a accompagné l'exode
progressif de la classe moyenne vers un habitat plus homogène.
CES AUTRES RÊVES FRACASSES
C'est
dire que l'écrasante majorité des habitants actuels de la Villeneuve n'ont
jamais été associés à ce rêve qui n'entretient de nostalgie que
dans le cœur d'une minorité d'"historiques". Celle-ci, désormais constituée
pour l'essentiel de retraités, actifs dans les partis et les associations, exerce
sans partage la fonction d'interface avec les autorités locales et
accessoirement, à l'égard de la masse populaire, un magistère de la civilité et
du civisme qui n'est pas toujours dénué de paternalisme.
Le
titre du reportage révèle, sous l'éclairage de ce qui précède, une forme de
passéisme dans l'approche, qui se déchiffre par définition comme le refus
d'entériner le présent et en conséquence d'analyser la causalité sociale qui
l'a produit. Je veux parler de la marginalisation de l'émigration dans la
société française toute entière. Car si l'on dissipe le nuage de fumée produit
par l'utopie fondatrice, rien ne distingue aujourd'hui La Villeneuve des autres
ghettos où l'émigration est regroupée.
Et
c'est sans doute de s'assumer en tant que telle, telle qu'on lui impose
d'être, qu'on lui reproche. S'assume-t-elle d'ailleurs? Assume-t-elle le
chômage massif, l'échec scolaire, le parcours délinquant de ses enfants, leurs
pathologies mentales de toutes natures, ses suicidés si souvent recueillis sous
les balcons (toutes réalités sur lesquelles le reportage a fait silence)? Non pas
certes. Mais il suffit qu'elle se vive, par la seule force des choses, en
ghetto (avec ses commerces halal, son marché par trop exotique du jeudi, ses
barbus et tous ces salamwalikoum qui s'échangent dans ses galeries) pour
que cela soit intolérable.
Ce
présent-là dans lequel elle se vit n'est pas fait des débris d'un rêve insensé
du passé mais de ceux de ses rêves légitimes de tous les jours qui n'en
finissent pas de se fracasser, se révélant encore moins accessibles que
l'utopie vantée. Le regard que restituait le reportage de France 2, jeté à
partir du passé, mesurait le présent à l'aune de ce qui n'est plus et n'a d'ailleurs
jamais été. C'est un regard étranger et insensible à son objet, une population qu'il
réifie à seule fin qu'elle serve d'alibi à une stratégie politico-médiatique du
pire qui la met une énième fois en accusation, "au fond comme une vie qui
a d'abord été condamnée et est ensuite devenue coupable"[6].
[1] Dans l'émission Envoyé spécial et sous le titre : "Villeneuve
: Le rêve brisé".
[2] Ses propos sont rapportés dans un article publié le 4 octobre sur
l'édition en ligne de Libération : "Laurent Lopez a un leitmotiv :
il ne veut pas voir s’enfoncer Brignoles comme il a vu Marseille «décliner».«Il
y a des endroits qui sont de véritables enclaves maghrébines, nous sommes
submergés.» Il continue sa démonstration : «Sur la place Caramy [la
place principale, ndlr], l’essentiel est d’origine extracommunautaire. On peut
intégrer une partie des gens extra-européens, mais là ce sont les gens
d’origine européenne qui sont obligés de s’intégrer.» Il ajoute, pour
compenser : «Attention, hein, dans mon équipe j’ai du polynésien, du juif…
Mais ces gens sont français»".
[3] Politis n° 1271, semaine du 3 au 9 octobre
2013, p. 16.
[4] La pétition élaborée au cours d'une première assemblée générale des
habitants tenue le 28 septembre avait recueilli à la tenue le 4 octobre dernier
d'une deuxième assemblée générale plus de 2000 signatures, un projet de droit de réponse
étant en préparation ainsi que différentes actions de protestation. La pétition est accessible à l'adresse suivante :
http://www.petitions24.net/signatures/apres_villeneuve__le_reve_brise/start/0
http://www.petitions24.net/signatures/apres_villeneuve__le_reve_brise/start/0
[5] Voir l'article consacré sur ce blog à ce sujet en juillet 2010 sous le
titre La Villeneuve de Grenoble, une cité sous état d'exception.
[6] Formule empruntée à W. Benjamin.
Toutes les télés participent à ce matraquage, où tout est fait pour montrer la dangerosité des quartiers à dominante étrangère. Allez voir les chaînes de la TNT, chaque jour, deux ou trois d'entre elles passent des émissions aux noms évocateurs, dans lesquelles les petits shérifs de la BAC et autres musclés du GIGN font leur cinéma ubuesque, dans des scénarios appris par coeur.Dans la majorité des cas ce sont des noirs ou des arabes (et ceci malgré le floutage)qui sont interceptés au petit matin dans de pitoyables mises en scène filmées par des télévisions à la recherche du sensationnel, comme c'est le cas pour France2 et son dernier documentaire sur un quartier de Grenoble.
RépondreSupprimerBonjour Monsieur Satour, merci pour votre article qui analyse de manière exhaustive la situation dans sa globalité. Pour ma part je n'ai pas signé la pétition à cause de quelques contradictions flagrantes que vous résumez parfaitement dans la phrase suivante: "Nous sommes en colère, car ce reportage ne montre qu'une face de notre quartier", ne s'avisant pas que cette complainte adressée à "notre service public de l'audiovisuel"[4] réduisait charitablement un acte de désinformation à un péché véniel d'omission". A mon petit niveau, j'essaye à toutes fins utiles de de diffuser votre article sur les réseaux sociaux.Cordialement.
RépondreSupprimerHeureux de vous retrouvez sur vos "terres" monsieur Sator et encore une fois vous avez brillamment synthétisé ce mal profond qui est en train de faire son oeuvre avec la complicité de tous et toutes pour préparer le terrain au FN et à sa déferlante devenue presque incontournable. Mais les politiques font tout pour faire le nid de l'extrême droite. Prenons l'exemple de cette arriviste de Samia Ghali, avec ses manières faussement affectées, elle vient sur les plateaux télés pour exiger l'envoi de l'armée à Marseille; c'est vraiment de l'opportunisme au plus haut degrés qui en fin de compte va tous les balayer au profit de la clique à Le Pen. Et l'autre, qui a suggéré l'emploi des drones pour traquer la criminalité dans les villes et villages de la république française. Pour peu que le marché de cette surveillance aérienne soit attribué aux "chers" alliés américains et ils décimeront en deux temps trois mouvements des centaines de gens, car l'américain (de surcroit le soldat) est nul en géographie et pour lui l'Afghanistan, l'Irak ou Marseille c'est du kif kif. Tout ceci pour dire, que ce sont les jeux de la petite politique politicienne qui est la cause de cet effrayant amalgame, sans oublier le rôle oh combien pernicieux des gros médias qui ne fait qu'exacerber les tensions.
RépondreSupprimerEn vous renouvelant mes salutations sincère, je vous remercie de votre excellente approche didactique.
Tahar.
Un grand merci pour ce très pertinent texte.
RépondreSupprimerOn aimerait aussi vous lire sur les récentes manœuvres de diversion du Régime militaire d'Alger: pseudo-restructuration du DRS, faux remaniement et autres mises en scène.
Merci vivement d'avance.
Une publication récente :
RépondreSupprimerJérôme Berthaut
La Banlieue du « 20 heures »
Ethnographie de la production d’un lieu commun journalistique, Editions Agone.
Plongés dans un collectif de travail régi par des logiques économiques (audience, productivité), le poids des sources légitimes et des modèles professionnels importés de l’audiovisuel commercial, les journalistes de France 2 fabriquent et perpétuent les lieux communs sur les habitants des quartiers populaires pour satisfaire dans l’urgence la commande de reportages prédéfinis par leur hiérarchie. À partir d’une enquête menée au plus près des pratiques quotidiennes des journalistes, ce livre propose une explication sociologique à la permanence des représentations réductrices véhiculées par certains contenus médiatiques.
Sociologue, maître de conférences à l’université de Bourgogne et membre du Ciméos, Jérôme Berthaut est chercheur associé au laboratoire « Migrations et société » (URMIS-CNRS). Ses recherches croisent sociologie des médias et sociologie de l’immigration.
La thèse de doctorat dont ce livre est une version remaniée a reçu le Prix de la recherche 2012 de l’Inathèque (INA).
> Consultez l'agenda pour connaître nos rendez-vous (6 événements)
Dans les rédactions, la catégorie « banlieue » sert à désigner un ensemble de sujets possibles et qui ont déjà fait leur preuve, dont on estime qu’ils ont fonctionné et fonctionnent généralement auprès du public. C’est pour cela que les catégories de classement ethniques ou stigmatisantes font irruption au sein des rédactions. Elles y ont une utilité sociale pratique en réduisant pour les journalistes l’imprévisibilité du travail. Elles permettent de tenir ensemble plusieurs contraintes (de temps, économiques, éditoriales) en proposant des raccourcis cognitifs possibles et accessibles à la plupart des journalistes.