jeudi 6 mars 2025

FACE AU VOYOU DE WASHINGTON, LA PENSÉE MAGIQUE DES ARABES


 

Khaled Satour

Afin de mieux occulter la situation actuelle sur le terrain, les chefs d’État arabes qui se sont réunis au Caire mardi dernier ont choisi d’adopter le plan futuriste égyptien de reconstruction de la bande de Gaza. Et, tant qu’à bâtir des châteaux en Espagne, ils ont pu ainsi se permettre de projeter un avenir politique dans lequel une commission de « technocrates palestiniens » serait chargée d’administrer le territoire pendant six mois avant de passer le relais à l’Autorité palestinienne.

Rien n’est dit sur le calendrier de réalisation du plan que la déclaration finale du sommet situe laconiquement « à la fin de la guerre » dont les présidents arabes ne soufflent mot des conditions de l’avènement. Car c’est une sorte de pensée magique qui sous-tend ces propositions tant la complexité de la situation créée à Gaza par quinze mois de massacres génocidaires est passée sous silence, de même que les différentes données qui font de l’horizon ultime esquissé par la déclaration commune, la solution à deux États, une parfaite illusion.

On a reconnu à ce plan le mérite de rejeter le projet de déportation des habitants de Gaza envisagé par Donald Trump mais il n’a échappé à personne que les dirigeants arabes ont tout fait pour ménager le président américain dont ils ont plutôt loué les initiatives et qu’ils n’ont surtout pas dit un mot du génocide auquel s’est livré Israël pendant quinze mois, abordant la reconstruction de Gaza dans des termes technocratiques qui donneraient plutôt à penser que le territoire et sa population ont été dévastés par une catastrophe naturelle.

Or, aussitôt formulé, le plan arabe a été rejeté d’une seule voix par Tel-Aviv et Washington qui ont rappelé que l’actualité de Gaza était toujours la guerre car il n’était pas question pour eux qu’y subsiste la moindre trace de la résistance armée, de la présence du Hamas. Israël et son allié partagent la même volonté de vider Gaza de sa population, chacun ayant par ailleurs son idée sur l’usage qu’il veut en faire une fois qu’il aura assuré son contrôle exclusif sur ce qui ne serait plus qu’une nécropole en ruines.

Dans cette gesticulation à deux qui relève plus de la répartition des rôles que de la concurrence, c’est Trump qui fait de la surenchère. Amplifiant l’agressivité d’Israël et faisant litière de l’accord de trêve en cours d’exécution, il pousse l’ignominie dont il est devenu coutumier jusqu’à menacer le « peuple de Gaza » dans sa totalité : « Si vous gardez les otages, vous êtes MORTS », écrit-il rageusement sur son réseau social Truth social[1] .

Autant dire que face au voyou que les Américains ont porté à la présidence, le sommet du Caire est loin d’avoir trouvé la parade. Et il ne sert à rien, comme l’ont fait certains observateurs arabes, d’attribuer la tiédeur de la déclaration finale à la défection de certaines personnalités de premier plan, notamment le prince héritier saoudien et le président des Émirats Arabes Unis. C’est même un authentique contre-sens !

Il est également inutile de faire toute une histoire de l’absence de Abdelmadjid Tebboune. Il fut des époques où la présence des chefs d’État algériens donnaient du relief à de tels sommets par le seul fait qu’ils ne manquaient pas d’élever une voix discordante et énergique, à défaut d’influencer les déclarations finales. Et, quelles que fussent les manœuvres qui étaient faites pour les décourager d’être là, ils ne mettaient pas en scène des bouderies infantiles pour se dérober[2].

Ces époques sont toutes révolues et là où il n’est possible de renverser la table qu’en disant son fait à l’hyperpuissance américaine, comme c’était sans aucun doute le cas au Caire avant-hier, l’Algérie, prise dans le nœud des alliances imprudentes qu’elle a contractées, choisit désormais de faire l’école buissonnière.



[1] Gaza : Donald Trump lance un ultimatum au Hamas pour libérer les otages, Les Echos, 6 mars 2025.

https://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/gaza-donald-trump-lance-un-ultimatum-au-hamas-pour-liberer-les-otages-2152306

[2] Le président de la République Abdelmadjid Tebboune décide de ne pas participer personnellement au sommet arabe d'urgence, L’Expression du 3 mars 2025.

https://www.lexpressiondz.com/info-en-continu/le-president-de-la-republique-abdelmadjid-tebboune-decide-de-ne-pas-participer-personnellement-au-sommet-arabe-d-urgence-345819

 

 

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