Khaled Satour
Il n’y a pas de tiers
impartial en mesure d’imposer une fin de l’attaque génocidaire d’Israël sur
Gaza. Et il n'y a plus de camp anticolonialiste ayant la volonté et les
ressources nécessaires pour s’opposer à l’entreprise sioniste.
Tel est le double bilan qu’il convient de tirer de la mise en échec des
règles et résolutions juridiques produites pendant plus de soixante ans par le
combat anticolonial et de l’usure de la conscience anticolonialiste et
antiimpérialiste qui avait permis aux États du Tiers-Monde de se faire une
place dans le jeu international.
LE DROIT MIS HORS-JEU
Beaucoup d’espoirs ont été mis dans la saisine par l’Afrique du Sud de la Cour
Internationale de Justice. Mais cette cour a pour l’instant failli à ses
obligations puisqu’elle a fait en sorte que sa décision préliminaire du 26
janvier 2024 soit dépourvue de la rigueur qu’imposaient les circonstances et
qu’elle ne cède nullement, un an et demi plus tard, au sentiment d’urgence
qu’aurait dû lui inspirer la vocation préventive de la convention de 1948. Le
recentrage du débat sur une trêve humanitaire ayant pour seule but la
libération de quelques dizaines d’otages, alors que des centaines de
Palestiniens étaient massacrés chaque jour, a contribué à mettre le droit
hors-jeu et permis à des tractations diplomatiques sans fin d’entretenir
l’illusion d’une trêve dite « de longue durée ».
Le droit a été chassé des débats au profit du rapport de forces et ce résultat
a été obtenu pour conforter la position défendue depuis toujours par les États-Unis,
soucieux d’imposer la logique des relations internationales qu'ils soumettent à leur hégémonie.
Pourtant, c’est le droit qui était le mieux habilité à donner la juste mesure
de la tragédie de Gaza dont les ressorts sont tout entiers ceux d’une
entreprise d’extermination à caractère colonial dont les ingrédients de haine
et de fanatisme se manifestent dans les méthodes de guerre utilisées par
Israël.
Ces méthodes ont été constamment là, qu’il s'agisse du massacre de masse, de la
politique de terre brûlée mise en œuvre sur toutes les parties du territoire
qu’il a investis, de l’exode massif imposé aux populations, dans de véritables
marches de la mort qui ne le cèdent pas en horreur à celles imposées au
autochtones amérindiens au 19e siècle, dans la perspective d’exiler
définitivement le plus grand nombre de Palestiniens possibles et de réimplanter
sur la tabula rasa qu’Israël aura faite de Gaza des colonies paramilitaires
habités par les plus illuminés de ses ressortissants, à moins que Donald Trump
n’impose à « la solution finale » l’hallucinante version touristique qu’il a
concoctée.
Il y avait toutes les raisons d’opposer à ces méthodes pratiquement l’ensemble
des principes que le droit international a mis une soixantaine d’années à
inscrire à son répertoire de la décolonisation : le droit des peuples à
disposer d’eux-mêmes, le principe de l’autodétermination, le droit de résister
à l’occupation, l’obligation mise à la charge de l’occupant d’assurer la
protection de la population sous son autorité, sans parler de la prohibition
des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité, de la destruction des
infrastructures civiles et du patrimoine culturel.
LA CADUCITÉ DU PATRIMOINE ANTICOLONIALISTE
Au lieu de quoi, Israël a imposé sa vision d’une guerre qui l’opposerait au
Hamas, organisation qualifiée de terroriste, et qu’elle aurait le droit de
mener à son terme quelles qu’en soient les conséquences subies par deux
millions et demi de civils.
Cette régression à l’ère où prédominaient sans conditions les desseins ainsi
que les moyens de la conquête et de la barbarie impériales n’a pu se faire que
parce les États issus de la décolonisation ont renié leur histoire et les liens
de solidarité qu’ils y avaient forgés, de sorte que l’œuvre qu’ils ont imposée
au jurislateur international, quand ils avaient investi les enceintes
internationales dans les années 60 du siècle dernier, est désormais en
déshérence. Elle est atteinte de la caducité dont les peuples avaient eu
l’illusion de frapper le colonialisme de façon irrévocable.
Pour échapper à une trêve qui serait synonyme d’une reddition, la résistance
armée palestinienne devra affronter seule les pressions de ses ennemis relayées
par le harcèlement de faux amis qui, sous l'alibi de la médiation, n’ont jamais
fait que la sale besogne des rabatteurs.