Khaled Satour
Avant-propos : L’IA
ne nous fournira sur le monde que les informations consacrées par les
puissances dominantes
Réponse donnée par chatgpt
en français à la question « qu’est-ce que Al-Qaïda ? » :
« Al-Qaïda est un
groupe militant islamiste fondé à la fin des années 1980 par Oussama ben Laden
et d'autres combattants ayant participé à la guerre contre l'Union soviétique
en Afghanistan. Le groupe est connu pour sa vision radicale de l'islam et pour
son engagement à mener des actions violentes contre des cibles qu'il considère
comme ennemies de l'islam, notamment les États-Unis et leurs alliés.
Al-Qaïda a gagné une
notoriété mondiale après les attentats du 11 septembre 2001, lorsqu'il a
orchestré des attaques terroristes sur le sol américain, entraînant la mort de
près de 3 000 personnes. Depuis lors, le groupe a été impliqué dans de
nombreuses autres attaques à travers le monde et a inspiré divers mouvements et
groupes extrémistes.
Le groupe a évolué au
fil des ans, avec des branches et des affiliés dans plusieurs régions,
notamment au Moyen-Orient, en Afrique et en Asie. Al-Qaïda prône une
interprétation extrême de la charia et cherche à établir un califat islamique.
Les efforts internationaux pour combattre Al-Qaïda ont conduit à des opérations
militaires et à des mesures de sécurité renforcées dans de nombreux pays ».
(le 8 février 2025).
On peut comprendre la joie
exprimée par les Syriens à la suite de la chute d’un régime qui les a
martyrisés pendant plus d’un demi-siècle. Cependant, attribuer cet acquis à la « révolution
populaire de 2011 » dont il serait le parachèvement est le plus
invraisemblable des arguments de propagande. Car ce qui s’est passé en Syrie au
cours de la première décade de décembre, ce sont deux événements concomitants,
aussi inséparables que les côtés pile et face d’une même pièce : un régime
tyrannique s’est certes écroulé mais c’est pour que prenne sa place un agrégat
de milices djihadistes armées et équipées par l’Occident et ses vassaux
régionaux et adoubées de longue date par Israël.
Derrière le leurre de la « révolution
syrienne », une agression militaire coordonnée
Il ne faut en effet pas oublier la véritable
chronologie des faits : « le printemps syrien » était à
peine inauguré en février-mars 2011 par des manifestations populaires qu’une
attaque militaire multiforme menée contre le régime et contre le pays prenait
le relais, dont les protagonistes étaient des milices djihadistes plus ou moins
radicales constituées de combattants de multiples nationalités, financées,
recrutées et armées par différentes puissances régionales, notamment la
Turquie, l’Arabie Saoudite et le Qatar, dont l’agenda coïncidait avec celui des
puissances occidentales.
Cette militarisation précoce de
la révolution syrienne[1]
ne s’est jamais démentie depuis lors et le régime d’Assad n’a dû sa survie
qu’au soutien de l’Iran et des factions armées relevant de son obédience avant
que la Russie ne vole à son secours.
Si l’on considère que les
manifestations pacifiques ne furent qu’une entrée en matière et que les longues
années de destruction qui les ont suivies furent des années de guerre menée
entre différents protagonistes armés (des armées nationales et diverses milices
djihadistes), il devient absurde de soutenir que l’attaque finale sur Damas qui
a fait fuir Assad et son clan serait un acquis de la « révolution
populaire ». Elle a en fait été négociée par les puissances les plus
influentes présentes en Syrie et approuvée par Moscou et Téhéran. Il faudra
sans doute attendre pour en savoir plus long sur les dessous du compromis qui a
été conclu, au détriment de toutes les parties authentiquement patriotiques du
pays quel que soit leur camp d’appartenance.
Ce qui est sûr, c’est que ce
compromis a pour premier résultat d’offrir à Israël toutes les opportunités de
réaliser ses quatre volontés dans la région. Il n’a d’ailleurs pas tardé à s’y
mettre, en entreprenant de détruire systématiquement la totalité du potentiel
militaire de l’État syrien, en s’appropriant une partie de son patrimoine
hydraulique et en élargissant son occupation autour du plateau du Golan.
Abattre les régimes
réfractaires à la normalisation
La vérité du « printemps
arabe » s’éclaire donc aujourd’hui pleinement. On peut affirmer en toute
certitude qu’il ne fut rien d’autre que la seconde étape d’un processus qui a
impliqué dans un premier temps un engagement militaire américain direct, à
l’époque de G. W. Bush, avant de se prolonger dans des insurrections impliquant
les populations civiles.
Les méthodes ont certes évolué, mais
l’objectif stratégique n’a pas varié : abattre les régimes des pays arabes
qui étaient à la fois les plus influents et les plus réfractaires à toute
normalisation avec Israël et livrer le monde arabe, en commençant par le
voisinage immédiat de la Palestine, au leadership des royaumes et émirats du
Golfe, vassaux des États-Unis et aspirant à être des partenaires d’Israël.
Aujourd’hui, l’Irak, la Syrie, la Libye et le Yémen, notamment, sont en ruines,
morcelés territorialement et minés par des clivages de toutes sortes (l’Égypte
est hors-jeu depuis bientôt 50 ans).
La Syrie est sans aucun doute
possible la dernière venue au club de la normalisation. Rien ne l’indique mieux
que le fait que les puissances qui ont abattu Assad ont décidé d’en confier le
gouvernement à l’organisation dénommée HTS issue d’Al Qaeda et à son chef Al
Joulani qui a combattu Assad durant les années 2012-2015 avec l’aide logistique
et militaire d’Israël dans la région de Kuneitra, au sud du pays. Cette
coopération entre le vétéran de Daesh et d’Al Qaéda et l’État sioniste, bien
que de notoriété publique[2],
n’a pas souvent été reconnue.
Elle n’avait cependant rien
d’exclusif ni d’exceptionnel. Elle ne constituait que l’une des facettes
occultes de ce qui a été vendu comme une lutte antiterroriste menée par
l’Occident sous l’égide des États-Unis à la suite des attaques du 11 septembre.
Terrorisme et antiterrorisme :
une unité de commandement
Le roman d’Al Qaeda a été pendant
un quart de siècle élaboré puis fignolé par de soi-disant experts au service
des stratégies belliqueuses des États-Unis qui ont su le doter de toute une
galerie de portraits dont le plus emblématique était celui d’Oussama Ben Laden.
L’acte fondateur de l’œuvre dévastatrice prêtée à cette organisation fut
« l’appel au djihad pour la libération des lieux saints » dont
on prétend qu’il fut publié le 23 février 1998 par un « Front islamique
mondial pour le djihad contre les juifs et les croisés » dans lequel
il était proclamé que « tuer les Américains et leurs alliés civils et
militaires est un devoir individuel pour chaque musulman qui peut le faire
partout où il lui est possible de le faire jusqu'à la libération de la mosquée
Al Aqsa et de la mosquée Al Haram de leur mainmise ».
Ce qui est longtemps demeuré inavouable,
c'est que le terrorisme et la lutte contre le terrorisme n’avaient de sens et
de cohérence que grâce à l'unité de commandement qui maîtrisait le phénomène
terroriste et les actions entreprises pour le combattre. Autrement dit, et le
parrainage par l’Occident de la branche syrienne d’Al Qaeda le prouve, l'entrepreneur
de la lutte antiterroriste était en même temps l'entrepreneur du
terrorisme.
Et, en définitive, s’il est une
vérité que les « révolutions arabes » ont permis d'attester,
c'est que l'existence autonome de groupes armés djihadistes, agissant
séparément ou sous la conduite d’Al Qaeda', n’était qu’un
mythe construit par la propagande occidentale. Ils n’ont d'ailleurs jamais pu s’identifier
à un quelconque projet politique tant soit peu réaliste, étant en eux-mêmes incapables
de se donner des objectifs ou encore moins une stratégie qui excèdent les
imprécations caricaturales qu'on leur prête.
Cette vérité a été mise en
lumière par les modalités de leur instrumentalisation au service des « révolutions
arabes ». Comme le soulignait l'analyste arabe Nahidh Hater, à propos des
enseignements à tirer de la guerre menée contre la Syrie, les États-Unis ont
aujourd’hui « la possibilité d'utiliser des armées inépuisables de
fanatiques mercenaires itinérants, incités à combattre et financés par des pays
particulièrement riches, en totale concordance avec les projets impérialistes dans une région du
monde très étendue dont il se trouve qu'elle est devenue le terrain principal
de la stratégie militaire américaine[3].
Deux conséquences en découlent.
La première est la simple confirmation du fait que le "djihadisme"
est une mouvance subalterne par essence, dont les seules perspectives propres
sont à la mesure de son niveau de conscience réduit à des projections
irrationnelles de nature infra-politique, mais dont les troupes sont
opportunément prises en main et mises en mouvement par des donneurs d'ordre
associés aux projets les plus sophistiqués qui soient, au service d'intérêts
bien tangibles.
La seconde, plus importante, a
trait au tournant que l'on a vu s'opérer depuis les "révolutions"
libyenne et syrienne : ces troupes étaient désormais susceptibles d'être
ouvertement enrôlées dans des engagements militaires d'envergure, et pour cela
pourvus d'un véritable armement de guerre, avec l'appui des armées et des
logistiques militaires de l'OTAN, alors qu'auparavant elles étaient supposées « frapper
les intérêts occidentaux ». S'affirme ainsi une « flexibilité »
inédite dans l'exploitation des ressources du djihadisme, dictée par le passage
de la stratégie de lutte frontale contre le terrorisme de Bush à la stratégie
de déstabilisation des régimes arabes mise en œuvre sous Obama, dans laquelle
ne se dément pas, mais bien au contraire s'épanouit au grand jour, le rôle de
sous-traitants joué par les monarchies du Golfe, dont celui du Qatar fut le
plus en évidence au cours du "printemps syrien"[4].
Cette évolution est rendue possible par le fait que ces cohortes de combattants
n'ont jamais eu d'autres cibles que celles que leurs commanditaires leur
désignent ponctuellement.
On peut donc affirmer que Hay’at
Tahrir Echam et son chef Al Joulani ne sont propulsés à la tête d’un État aussi
important que la Syrie que pour être les exécutants dociles d’une politique de
reddition à Israël, mais aussi de répression de toute manifestation d’hétérodoxie
religieuse. Tel a toujours été en effet le seul projet des milices djihadistes :
imposer par la violence leur minable code de comportement religieux.
[1]
Le journal
britannique The Guardian rapportait en janvier 2012 que « des avions
militaires de l’OTAN dont les marques d’identification ont été retirées se sont
posés à Iskenderun (en Turquie) près de la frontière syrienne pour débarquer
des volontaires libyens et des armes saisies dans l’arsenal de feu Mouammar
Kadhafi », ajoutant que « des formateurs appartenant aux forces
spéciales françaises et britanniques sont sur place, prêtant assistance aux
rebelles tandis que la CIA et les Special Ops US fournissent du matériel de
télécommunications et des informations » (L’article était signé par
Jonathan Steele dans l’édition du 17 janvier 2012).
[3]
La Syrie comme
modèle d'expérimentation : L'impérialisme et la "guerre post-moderne"
(سوريا كنموذج قيد الاختبار: الإمبيريالية و "حرب ما بعد
الحداثة"), El
Akhbar du 11 septembre 2012.
[4] La prétendue "révolution
syrienne" a surtout été une immense entreprise de subversion
téléguidée de l’étranger comme devait le reconnaître l’ancien premier ministre
qatari Hamad Ben Jassim lors de son grand déballage de 2017, au plus fort du
différend entre Doha et Ryad. Confirmant que les deux pays avaient soutenu
militairement la branche syrienne d’El Qaeda, il avait précisé que « le
soutien militaire aux insurgés syriens transitait par la Turquie et se faisait
en coordination avec les forces américaines, turques, qatariennes et
saoudiennes ». Selon son propre aveu, le seul trésor qatari a
déboursé pour financer l'opération la somme de 137 milliards de dollars. Voir
notamment l’article publié dans L’Humanité du 30 octobre 2017 sous le titre : Syrie, le
Qatar crache le morceau,: https://www.humanite.fr/monde/-/syrie-le-qatar-crache-le-morceau.