mardi 26 décembre 2023

LE SOUVERAIN, LES COURTISANS ET LE DISEUR DE VÉRITÉ


Khaled Satour

J’ai découvert, au hasard de mes lectures, la notion de parrêsia que les Grecs anciens utilisaient pour désigner une manière particulière de dire la vérité. Bien sûr, personne ne détient à lui tout seul la vérité de sorte que lorsque quelqu'un parle vrai, il ne dit que sa vérité, ce qui n’est déjà pas si commun.

Mais il pratique la parrêsia grecque si et seulement s'il dit la vérité dans des circonstances telles qu’il sait que cela va lui coûter cher : la vie peut-être, la liberté au moins.

Dans son discours à la nation prononcé hier, Abdelmadjid Tebboune a annoncé aux députés et sénateurs réunis au Palais des Nations que l’État avait récupéré en fonds, biens immobiliers et unités industrielles, 30 milliards de dollars des biens pillés par les oligarques de la « issaba ».

L'annonce a été chaudement acclamée par l’assistance.

30 milliards de dollars, cela fait 10 milliards de plus que la somme annoncée l’année dernière pratiquement à la même époque.

Cette somme avait alors été contestée par un tweet de Ihsane El Kadi, ce qui, entre autres audaces qu’il s’était permises, lui avait valu d’être aussitôt jeté en prison où il se trouve encore, après un simulacre de procès qui fut arbitraire de bout en bout, jusqu’à l’arrêt rendu en octobre dernier par la cour suprême.

Avec un décalage d’un an, ce passage du discours m’a incité à reconstituer ce trio que la littérature antique avait souvent mis en scène : le souverain, les courtisans et celui qui dit la vérité, c’est-à-dire qui pratique cet exercice périlleux qu’on appelait parrêsia.

Habituellement, les trois protagonistes jouent la scène ensemble, celui qui dit la vérité étant l’intrus dont la voix dissone aux oreilles du souverain car elle trouble le duo harmonieux qu’il forme avec ses courtisans. Ihsane El Kadi embastillé et ses émules en ayant tiré la leçon, il n’y avait hier au Palais des Nations aucun risque que quelqu’un se dresse pour crier, au milieu des applaudissements : « Objection, Monsieur le président ! ».

On a donc pu se rendre compte à quel point le discours du souverain gagnait en fluidité quand l’assistance est débarrassée de cet intrus. Et tant pis pour la vérité qu’on a emprisonnée en sa compagnie.

5 commentaires:

  1. Vous n'avez même pas la délicatesse de respecter la trêve des confiseurs ...mais malgré tout je vous mets un 10/10 pour ce génial article...où le minable souverain se retrouve en direct live... le nez dans son caca ! KADER d'Alger

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  2. Merci de rappeler que #ihsanelkadi est prisonnier du gouvernement algérien .

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  3. Le misérable chaab algérien et éternellement rkhiss va revoter comme un seul homme et à l'unanimité pour Abdelmadjid Tebboune sans savoir qu'il est l'éternel cocu des manigances politiques qui se jouent depuis 962, et même avant. Bakir

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    1. Ce peuple a toujours bon dos, comme si le misérable sort qui lui est imposé, ne suffisait pas, il est bien facile et de bon ton de l'accabler encore et toujours ! Un peu de courage et faisons face à l'unique responsable de ce désastre algérien politique, moral et humain sans précédent - à savoir le haut commandement militaire qui a fait de ce pays une caserne-prison piloté par un apparatchik médiocre, tremblant et aux ordres - notre seul et unique héritage à nous autres algériennes et algériens de peu, est notre amour de la liberté, il nous vient de loin, il nous tient au corps comme une première peau et bientôt il balayera à tous les diables, toute cette sinistre engeance de petits soldats de plomb accompagnés de tous leurs affidés ! Ahmed

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