mardi 31 octobre 2023

UN 1e NOVEMBRE PALESTINIEN

Khaled Satour

Parce que les Palestiniens ont toujours tiré de l’expérience algérienne la certitude qu’ils se libéreraient un jour de l’emprise israélienne, ce 1e novembre, 69e anniversaire du déclenchement de la lutte armée de libération nationale, doit leur être dédié.

Je compare le regard qu’ils portent sur le combat algérien à celui avec lequel, enfant, je le voyais moi-même. Si, en ces journées terribles que nous vivons depuis le 7 octobre, je ne me suis jamais senti vulnérable à la propagande haineuse que déversent les médias de l’Occident, c’est parce que j’ai le souvenir de ces titres abominables que je lisais dans les années 1950 en une de la presse coloniale.

Les articles étaient illustrés alternativement de photos des victimes de la sauvagerie qu’ils attribuaient aux « rebelles », aux « fellaghas », et d’autres où étaient représentés, dans l’indignité à laquelle la France entendait les vouer, les cadavres de ces « terroristes » que ses troupes n’en finissaient pas de mettre « hors de combat » sans jamais parvenir à les exterminer.

Je me prémunissais contre ces mensonges et me lavais de leurs outrages soir après soir lorsque, rassemblés autour du patriarche, penchant nos têtes sur le poste de TSF, nous écoutions dans un silence recueilli les comptes-rendus des victoires remportées par « les moudjahidine » sur l’armée coloniale, décrites, au défi des tempêtes de parasites que faisait souffler la censure, par les voix devenues familières qui nous parvenaient du Caire ou de Tunis.

Propagande contre propagande ? Je ne voyais pas les choses ainsi car seule importait pour moi la vérité première de cette guerre : nous étions dans notre droit, donc nous étions les plus forts. La langue de bois était sans doute dans les deux camps mais les uns en faisaient des gourdins pour nous battre comme plâtre et les autres en confectionnaient les charpentes qui étayaient notre espérance. C’est de là que date mon exécration de ces compatriotes paumés qui s’en vont clamant de tribune en tribune que l’arabe n’est pas une langue de liberté.

Oui, ce temps où je croyais que notre révolution était pure et nos combattants irréprochables revit en moi avec un mélange de désenchantement et d’affection quand j’entends des Palestiniens de tous âges les évoquer, à chaque fois qu’un micro leur est tendu, avec dans les yeux la même flamme qui faisait briller les miens.

Je ne veux pas dire par là que les Palestiniens sont des enfants. Nous autres Algériens avons été bénis de n’avoir à découvrir les conflits et règlements de comptes qui ont corrompu notre combat libérateur, jusqu’au cœur de la direction qui l’impulsait, qu’une fois la victoire acquise.

Ils ont pour leur part le malheur, ajouté à leur malheur, d’avoir dans la plus terrible adversité le spectacle de la désunion des rangs sinon de la trahison. Ils ont, d’une certaine manière, grandi trop tôt. Mais, aussi sûr qu’aucune fâcheuse révélation n’aurait pu affecter notre soutien à la lutte de libération qui était en cours, l’heure de la désillusion ne peut sonner pour eux en pleine bataille.

La lucidité qu’ils tirent de leurs déboires ne saurait altérer leur idéal. Je veux parler de l’idéal de leur propre victoire qui est primordial, celui qu’ils se font de la nôtre n’en étant que le précédent métaphorique dont il vaut mieux qu’ils gardent une image sans tache.

Et j’en viens à mon propos du moment : n’y avait-il pas meilleure image à donner du 1e novembre 1954 que d’annuler les célébrations de son 69e anniversaire, comme l’a annoncé Abdelmadjid Tebboune, « en signe de solidarité avec le peuple palestinien » ? Quelle cohérence y a-t-il dans cette annonce entre le dessein et l’acte ?

Faut-il plonger le 1e novembre dans une obscurité et un silence sépulcral semblables à ceux qui recouvrent Gaza pour témoigner de la solidarité à sa population martyre ? Ne faut-il pas plutôt faire du bruit ? A défaut d’un discours de soutien audible, d’une ou plusieurs initiatives diplomatiques qui auraient tenté de secouer la torpeur du monde arabe, l’Algérie n’aurait-elle pas pu célébrer l’anniversaire sous les couleurs palestiniennes, avec des présences et des voix palestiniennes ? N’est-il possible de donner du lustre et un retentissement médiatique à une telle célébration qu’en organisant des défilés militaires ?

De guerre lasse (et ce n’est pas une figure de style), les Palestiniens ont appris à réviser à la baisse le soutien qu’ils attendent de leurs meilleurs amis (à supposer qu’ils n’aient pas mis fin à toute attente et qu’il leur reste quelque meilleur ami), un soutien qui relève de la simple obligation de moyen pour ne pas dire d’intention. Mais ils n’accueilleront jamais l’occultation du 1e novembre algérien comme un gage de solidarité.

L’Algérie aurait dû songer à célébrer un 1e novembre palestinien dont les images auraient pu éclairer les réduits ténébreux dans lesquels ils sont confinés, qui auraient peut-être fait briller une nouvelle fois les yeux de quelques-uns d’entre eux. Les yeux de quelques-uns d’entre nous.


 

lundi 30 octobre 2023

OÙ EST L’ALGÉRIE ?

11 octobre à Washington : La sixième session du Dialogue stratégique algéro-américain

 Khaled Satour

Il y a 60 ans, Mohammed Boudiaf se demandait « où va l’Algérie ». On serait fondé à se demander aujourd’hui « où est l’Algérie ». Alors qu’un événement de la même gravité que la Nakba de 1948 menace la Palestine, l’invisibilité et le silence de l’Algérie font tache dans l’effervescence que la guerre d’extermination d’Israël à Gaza suscite dans le monde entier.

L’Algérie officielle vaque à ses taches routinières de répression de toutes les voix qui la contestent. Orchestrant selon ses caprices les aléas de la roulette russe qu’est devenue la justice du pays, le régime a décidé ce 26 octobre que le chercheur Raouf Farrah et Mountaha Habes, seraient libérés par la cour de Constantine mais pas le journaliste Mustapha Bendjamaâ, poursuivi dans la même procédure[1].

Une semaine plus tôt, il mettait fin aux espoirs d’Ihsane El Kadi de voir casser par la cour suprême l’arrêt confirmatif en appel de juin dernier le condamnant à 7 ans de prison[2]. La haute juridiction, qui a en réalité largement prouvé, en 60 ans d’existence, que son prestige était usurpé, n’a pas hésité à soutenir un verdict d’une telle cruauté qui équivaut à briser la vie d’un homme dont le seul tort est d’avoir décidé de demeurer, jusqu’au bout de sa longue carrière de journaliste, fidèle à son franc-parler.

Une faute politique et morale

Simultanément, le régime a poursuivi de sa vengeance l’une des intellectuels (elles) signataires de la tribune qui avait demandé la libération d’El Kadi en mai dernier, le prix Nobel de littérature Annie Ernaux, empêchée d’accéder au pays pour y prendre part au Salon International du Livre d’Alger (SILA)[3].

Au point de rencontre entre sa politique intérieure répressive et la timidité de son soutien à la cause palestinienne, le régime a commis, ce faisant, une faute politique et morale grave en refusant à l’écrivaine française la tribune qu’elle n’aurait pas manqué de faire d’Alger pour dénoncer le massacre en cours à Gaza.

Pour faire bonne mesure, et comme s’il s’était donné pour but absurde et incompréhensible de nuire au rayonnement culturel et politique du SILA, il a, d’une part, décidé d’en exclure les Éditions Koukou et par voie de conséquence les nombreux auteurs qu’elles ont publiés cette année, au motif obscur de « dépassements constatés dans les publications contraires au règlement[4] » (dénomination bureaucratique que se donne la censure), et, d’autre part, enjoint le commissaire du salon de ne pas inviter Suzanne Elkenz, auteure inscrite au catalogue des Editions Barzakh, veuve de l’universitaire algérien Ali Elkenz, elle-même algéro-palestinienne originaire de Gaza où sa famille a été en partie décimée par les bombardements israéliens.

Sous la bannière du régime

Quant à la société algérienne, solidaire sans restriction avec la cause palestinienne, elle a été entravée par les moyens policiers les plus dissuasifs, dans sa volonté de s’exprimer dans la rue. Le 13 octobre notamment, toutes les tentatives de rassemblement ont été dispersées sans ménagement, les banderoles confisquées, les drapeaux palestiniens interdits.

Les Algériens n’ont été autorisés à manifester que le 19 octobre, sous la bannière du régime et à l’appel de ses organisations satellites, encadrés par un déploiement impressionnant de forces de l’ordre, dénuées de la bienveillance dont elles avaient coutume de faire montre en pareille occasion. Et c’est un signe de ces temps de renoncement que l’on puisse plus librement et plus massivement exprimer sa solidarité avec la Palestine à New-York et Londres, alliés militaires d’Israël, qu’à Alger.

Alors, où est l’Algérie ? On ne peut se contenter de répondre que le peuple et la société sont sous l’éteignoir d’un régime paranoïaque décidé à les empêcher de le contester comme ils l’avaient fait en 2019. Ce n’est qu’une partie de la réponse. Car il en est une autre qui est au moins aussi alarmante.

Une politique internationale erratique

Le régime algérien ne fait la démonstration d’une telle fermeté qu’à l’égard de son peuple. Dans les relations internationales, sa politique est depuis deux ans erratique, illisible. Il est passé sans transition du « partenariat global d’exception » conclu en août 2022 entre Macron et Tebboune au « partenariat stratégique approfondi » que ce dernier a noué avec Poutine en juin dernier à Moscou, alors que l’Algérie espérait être admise au sein des BRICS.

Depuis lors, Abdelmadjid Tebboune a déclaré haut et fort que la rebuffade essuyée de la part des BRICS était sans importance et que ce dossier était « définitivement clos ». Le problème est qu’il a fait cette déclaration le 3 octobre au cours d’un entretien de 4 heures avec la presse nationale dont la vidéo n’a jamais été rendue publique, consigne ayant apparemment été donnée aux journalistes présents de n’en rien révéler.

Alors, quel est le « partenaire » que l’Algérie tient actuellement par la main ? Ce qui est factuellement établi, et qui n’est pas glorieux, c’est que le 11 octobre dernier, alors que Joe Biden accordait à Israël son blanc-seing pour raser Gaza et ses habitants, se tenait à Washington la 6e session du « dialogue stratégique algéro-américain » au cours de laquelle, nous dit El Watan du 14 octobre, « l’accent a été mis sur les moyens à mettre en œuvre pour la consolidation de la coopération bilatérale, qui s’est substantiellement renforcée ces dernières années, notamment dans les domaines économique et sécuritaire[5] ».

Hasard du calendrier ? Sans doute. Mais c’était précisément l’un de ces hasards que la diplomatie algérienne aurait jadis mis à profit, dans une conjoncture telle que celle-ci, pour faire de l’annulation du rendez-vous un message fort. Elle avait d’autant plus motif à le faire cette fois-ci que les États-Unis s’apprêtaient à acheminer deux porte-avions au Proche-Orient pour appuyer l’armée israélienne. Et, depuis lors et selon des informations diffusées par Al Jazira, les marines américains combattent au sol à Gaza aux côtés des forces israéliennes.

A force de louvoyer à travers les lignes tortueuses des relations internationales, l’Algérie quitte peu à peu les positions que son histoire lui avait permis de conquérir. Et il est à craindre qu’elle ne soit bientôt nulle part.


[1] Voir sur ce blog l’article publié le 1e septembre 2023 sous le titre Mountaha Habès, victime occultée de l'arbitraire judiciaire et de la confusion des genres.

[2] Voir l’article publié sur TSA le 24 octobre : La peine d’El Kadi Ihsane devient définitive : un « coup dur » pour sa famille : https://www.tsa-algerie.com/la-peine-del-kadi-ihsane-devient-definitive-un-coup-dur-pour-sa-famille/

[3] Le Monde du 24 octobre : L’Algérie refuse d’accorder un visa à l’écrivaine Annie Ernaux

https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/10/24/l-algerie-refuse-d-accorder-un-visa-a-l-ecrivaine-annie-ernaux_6196252_3212.html

[4] Koukou éditions exclu du Sila 2023, article publié sur le site inter-lignes le 24 octobre. https://inter-lignes.com/koukou-editions-exclu-du-sila-2023/

[5] Article du 14 octobre, intitulé 6e session du dialogue stratégique algéro-américain : Des « échanges approfondis» entre Alger et Washington

https://elwatan-dz.com/6e-session-du-dialogue-strategique-algero-americain-des-echanges-approfondis-entre-alger-et-washington

 

 

vendredi 27 octobre 2023

DERRIÈRE LA PROPAGANDE ISRAÉLIENNE, LES VÉRITÉS DU 7 OCTOBRE

Le récit fait de l'assaut contre Bee'ri à la télévision israélienne par Yasmine Porat le 15 octobre (Note 5)
 

Khaled Satour

J’avais déjà exprimé dans un précédent article toutes les réserves raisonnables que m’avaient inspirées le récit fait aux journalises le 10 octobre par l’armée israélienne au cours de la visite guidée des kibboutz de Kfar Azza et de Bee’ri[1]. Je les avais renouvelées lorsqu’elle avait projeté le 23 octobre, pour le seul bénéfice de journalistes triés sur le volet, les prétendues images de l’attaque des combattants palestiniens du 7 octobre, en interdisant qu'elles soient rendues publiques « pour en épargner la violence aux familles israéliennes » (mon dernier article du 26 octobre).

Le général de division qui avait accueilli les journalistes avait soutenu, devant les décombres de Kfar Azza que ce n’était pas « une guerre ou un champ de bataille, c’est un massacre ».

J’avais jugé pour ma part que deux hypothèses au moins, autres que le massacre perpétré sur des habitants désarmés, pouvaient être raisonnablement soutenues :

- La première est que les colons dont il est de notoriété publique qu’ils ont toujours été surarmés, surtout lorsqu’ils sont implantés à moins de 4 kilomètres de la bande de Gaza, soient morts en combattant les résistants palestiniens. Je notais à ce propos qu’il était curieux que l’emballement médiatique fasse silence sur des éléments que certains médias rapportaient sans s’y attarder outre mesure. 

On voulait en effet donner l’impression que les combattants palestiniens avaient surpris des habitants désarmés qu’ils avaient aussitôt commencé à exécuter, alors qu’un reportage de la BBC indiquait très tôt qu’ils avaient d’abord affronté les gardes armés du kibboutz de Kafr Azza, désignés parmi les colons eux-mêmes. Ce qui indiquait que l’alerte avait été donnée et que les armes ont été probablement sorties par tous les colons en âge de combattre.

- La seconde est qu’ils aient perdu la vie au cours de l’assaut lancé par les Israéliens pour reprendre le contrôle des deux kibboutz. Les combats entre l’armée israélienne et les résistants palestiniens ont en effet été particulièrement violents et ont duré trois jours entiers. Le reporter de la BBC rapportait qu’à son arrivée sur les lieux, les affrontements se poursuivaient encore. Ils ont aussi sans aucun doute très vite commencé si l’on considère que l’alerte avait été donnée dès samedi.

Un élément factuel me semblait accréditer la seconde de ces deux hypothèses et indiquer même que l’armée israélienne était présente dès la prise d’assaut du kibboutz. Ignorant alors tout élément d’information pouvant infirmer la propagande militaire israélienne, j’avais mentionné la vidéo de Hamas publiée par la chaîne Al Jazira dès la nuit du 7 au 8 octobre représentant l’assaut mené par les combattants palestiniens sur Kfar Azza. On y distinguait très nettement les murs de défense du kibboutz et un de leurs miradors et on y voyait les combats opposant les Palestiniens, non pas à des gardes civils armés, mais aux militaires israéliens dont certains cadavres étaient visibles[2].

Dans les kibboutz comme contre Gaza, l’armée d’Israël a bombardé les civils

Il s’avère que des informations publiées par différents organes de presse, notamment par le journal israélien Haaretz, viennent remettre en cause le récit israélien et accréditer des faits qui empruntent aux deux hypothèses, mais plus nettement à la seconde, que j’avais avancées : l’armée était présente dès l’attaque palestinienne et l’assaut qu’elle a lancé pour reprendre les lieux a causé la mort de plusieurs dizaines de civils, dont certains ont été victimes de tirs israéliens, et d’autres ensevelis sous les décombres de leurs maisons détruites par les obus des blindés. Les méthodes utilisées contre les civils de Gaza n’ont pas épargné les civils des kibboutz !

Si l’on synthétise les informations rapportées par les sites mondoweiss.net[3], overton-magazin.de[4] et arretsurinfo.ch[5], on obtient la revue de presse suivante :

- Le 11 octobre, The Guardian rapportait le récit fait par son reporter Quique Kierszenbaum de sa visite de Bee’ri sous la conduite de l’armée :

« Les bâtiments ont été détruits les uns après les autres, que ce soit lors de l’assaut du Hamas ou lors des combats qui ont suivi, les arbres voisins ont volé en éclats et les murs ont été réduits à des décombres de béton d’où les chars israéliens ont pilonné les militants du Hamas là où ils se cachaient. Les planchers se sont effondrés sur les planchers. Les poutres des toits étaient enchevêtrées et exposées comme des cages thoraciques. »

- Sur le site allemand overton-magazin.de, est rapportée l’interview de Yasmin Porat, une Israélienne de 44 ans qui a participé à la rave-party attaquée le 7 octobre par des Palestiniens armés et qui a réussi, comme elle l'a raconté le 15 octobre à la radio publique israélienne Kan (vidéo reprise par arretsurinfo.ch), à se réfugier dans le kibboutz Be'eri. Capturée par le Hamas, elle a appelé la police avec le chef du commando palestinien comme elle le raconte également dans un entretien avec CNN, en partie coupée au montage :

« Lorsque la police est arrivée, deux heures plus tard, elle a commencé à tirer. Elle pensait qu'elle ne survivrait pas à cet échange de tirs. Le commandant aurait continué à téléphoner à la police et aurait voulu se rendre. La police lui aurait ordonné de sortir avec elle, Yasmin, sans vêtements. Il s'est approché lentement de la police avec elle comme bouclier. Elle aurait crié, ne tirez pas, les soldats auraient cessé le feu et capturé le Palestinien (…) Mais dans la suite du combat, tous ont été tués, preneurs d'otages et otages, y compris son partenaire, à l'exception d'une femme.

« Ils ont éliminé tout le monde, y compris les otages »

S’ensuit un échange entre le journaliste et le témoin :

« Yasmine Porat : "Je vois sur la pelouse, dans le jardin des gens du kibboutz. Il y a cinq ou six otages qui sont dehors, par terre, comme des moutons à l'abattoir, entre les tirs de nos [soldats] et des terroristes.

Aryeh Golan : Les terroristes les ont abattus ?

Yasmin Porat : Non, ils ont été tués par les tirs croisés. Vous comprenez, il y a eu des tirs croisés très, très violents.

Aryeh Golan : Nos forces armées pourraient donc les avoir abattus ?

Yasmin Porat : Sans aucun doute.

Aryeh Golan : Quand ils ont essayé d'éliminer les ravisseurs, le Hamas ?

Yasmin Porat : Ils ont éliminé tout le monde, y compris les otages. Parce qu'il y avait des tirs croisés très, très violents. J'ai été libéré vers 5h30. Les combats ont apparemment pris fin vers 8h30. Après les tirs croisés délirants, deux obus de char ont été tirés dans la maison. C'est une petite maison de kibboutz, rien de grand. Vous l'avez vu aux informations ».

- C’est également le 20 octobre que Haaretz a publié un long article de son principal analyste militaire, Amos Harel, décrivant l’incapacité d’Israël à se préparer aux attaques du Hamas du 7 octobre. Il décrit l’attaque palestinienne contre le bureau de coordination et de liaison :

Le même jour, Haaretz rapportait, dans un article écrit en hébreu et non traduit en anglais, le reportage de ses journalistes Nir Hasson et Eden Solomon qui avaient interviewé le commandant d’un bataillon de blindés : « Il a décrit comment lui et son unité de chars "se sont battus à l’intérieur du kibboutz, de maison en maison, avec les chars.  Nous n’avions pas le choix" ».

- Dans son article publié le 20 octobre dans Haaretz, Nir Hasson rapporte les propos d’un habitant de Bee’ri nommé Tuval, qui a eu la chance d’être loin du kibboutz au moment de l’attaque, mais dont la compagne a été tuée:

« Sa voix tremble lorsqu’il se remémore sa compagne, qui était alors assiégée dans son refuge. D’après lui, ce n’est que lundi soir et seulement après que les commandants sur le terrain aient pris des décisions difficiles – notamment le bombardement de maisons avec tous leurs occupants à l’intérieur afin d’éliminer les terroristes ainsi que les otages que Tsahal a achevé la prise du kibboutz. Le prix à payer fut terrible : au moins 112 habitants de Be’eri ont été tués. D'autres ont été pris en otages. Hier, 11 jours après le massacre, les corps d'une mère et de son fils ont été découverts dans l'une des maisons détruites. Il est à craindre que d’autres corps gisent encore sous les décombres. »

- Le média allemand rapporte également des extraits de l’article publié par Hasson le 11 octobre dans Haaretz à propos de Bee’ri:

"Le 7 octobre a apporté à Israël de nombreux précédents. L'un d'entre eux est que c'était probablement la première fois qu'une force blindée israélienne combattait dans une colonie israélienne. Les résultats sont visibles sur le terrain. Au sud de la salle à manger se trouve une scène de combat. Pas moins de sept corps de terroristes sont éparpillés dans la zone, ainsi qu'une série de maisons détruites et incendiées. Tout autour, des arbres déracinés, des pièces d'armes, des munitions, des mortiers et des restes de grenades".

Le sergent-major Erez est cité : "Dans le kibboutz, ils se sont battus de maison en maison avec les chars, il n'y avait pas le choix[6]. Les forces spéciales sont des héros les uns après les autres, mais aussi les hommes armés, les chauffeurs, dont trois chauffeurs druzes qui étaient avec nous. Le peuple d'Israël sous son meilleur jour".

Des héros qui se sont illustrés au prix de la vie de leurs compatriotes civils qu'ils ont tirés et bombardés sans scrupules avant d'annoncer au monde qu'ils avaient été décapités et éventrés, bébés compris, par les Palestiniens. Une question hante désormais l'opinion israélienne : leur armée sacrifiera-t-elle les 200 otages de Gaza à sa volonté d'extermination des Palestiniens?


[1] Kfar Azza et Bee’ri : Défendre l’honneur des combattants palestiniens, publié le 11 octobre dernier : https://contredit.blogspot.com/2023/10/kfar-azza-et-beeri-defendre-lhonneur.html

[6] C’est moi qui souligne à chaque fois (KS).