samedi 27 avril 2024

LOBBY SIONISTE : DE LA PROPAGANDE PÉPÈRE À LA VIOLENCE POLICIÈRE


 


Khaled Satour

Ce que l’on observe actuellement dans les sociétés occidentales, et notamment dans les universités, est un revirement de l’opinion sans précédent, très marqué aux États-Unis. Le soutien à Israël était jusqu’à présent obtenu, à coups de millions de dollars de financement des universités, par le lobbying idéologique exploitant le tabou de l’antisémitisme et le consensus assimilant la résistance palestinienne au terrorisme.

L’hypermnésie entretenue autour du génocide juif des années 1940 était constamment dédiée à une identification d’Israël aux victimes de « l’Holocauste » qui érigeait autour de cet État par les seuls moyens de la persuasion une barrière l’immunisant contre toute attaque.

Mais voilà que soudain l’argument de l’antisémitisme, auquel s’ajoute en France aussi bien qu’en Amérique celui d’apologie du terrorisme, ne fonctionne plus que par la répression policière qui s’abat notamment sur les campus américains les plus prestigieux, dont celui de Columbia qui est à la pointe du combat.

La substitution de la violence policière à une propagande pépère qui avait jusque-là suffi à décourager toute critique d’Israël est le signe indéniable que le lobby sioniste est en train de subir en terre alliée un échec historique. L’adhésion à la politique israélienne et l’unanimité qui s’était constituée autour du sionisme ont volé en éclat. Rien ne l’indique mieux que la résolution que la chambre des représentants a dû voter la semaine dernière pour condamner comme antisémite « la devise "Du fleuve à la mer, la Palestine sera libre" ». Le Parlement américain en est réduit à enseigner son catéchisme, comme une vulgaire hiérarchie cléricale !

Alors que jusqu’à présent le consensus pro-israélien semblait relever de la nature des choses et même, aux États-Unis, participer pleinement d’une conception du patriotisme américain que les Républicains et les Démocrates ont en partage, il semble qu’il ne soit plus désormais possible que d’en recoller les morceaux au prix d’atteintes graves à l’État de droit et à l’exercice de la sacro-sainte liberté d’expression. Les images de professeurs d’université menottés, jetés à terre et malmenés par la police sur les campus produisent à cet égard un effet dévastateur.

Les pressions financières et politiques exercées contre les présidents des universités les plaçant dans une position intenable, contraints qu’ils sont d’arbitrer entre les franchises universitaires dont ils sont les garants et la menace d’être jetés en pâture à la calomnie, incitent aux pires escalades : la présidente de Columbia a dû requérir l’intervention musclée des forces de l’ordre et menace de faire appel à la garde nationale. Or, le souvenir du carnage provoqué par l’intervention de ces unités fédérales à l’université de Kent State en 1970 pendant les manifestations contre la guerre du Vietnam hante encore les mémoires.

Il est difficile de prévoir si cette agitation universitaire risque réellement de prendre les proportions qu’elle atteignit à la fin des années 1960, comme on l’affirme, me semble-t-il, un peu prématurément. Il y avait alors des ingrédients nombreux et divers qui favorisaient la déflagration (la guerre du Vietnam et les GI’s qui y trouvaient la mort, le combat pour les droits civiques, un puissant désir de changer la société).

Pour l’instant, les étudiants révoltés, notamment dans les universités qui forment l’élite (Columbia, Yale, Harvard, Vanderbilt, New York University, MIT, etc.) demeurent dans le giron des puissances technologiques et financières qui coopèrent aux projets « académiques » des établissements qui les accueillent. Ils ne semblent pas près de contester les privilèges que leur vaut leur insertion dans l’économie néolibérale et commencent à peine à prendre conscience de leur compromission de classe avec le complexe militaro-industriel dévoué à Israël.

Il n’est pas sûr non plus que cette révolte puisse être d’un quelconque secours sur le terrain pour les Palestiniens de Gaza, menacés par l’imminence d’une attaque contre Rafah aux conséquences encore plus meurtrières que tous les massacres déjà commis par Israël depuis le 7 octobre.

Mais une chose est sûre : Israël a fini de se comporter dans ses provinces d’outre-Atlantique comme en terrain conquis.

jeudi 25 avril 2024

RAFAH : GROS MASSACRES ENTRE VOISINS

Une vue des campements de Rafah où s'entassent un million et demi de déplacés

 

Khaled Satour

Israël prépare activement son attaque contre Rafah. Une attaque, présentée comme « imminente », « inévitable », qui tournera forcément au massacre parce qu’Israël ne sait pas faire autrement et parce que toutes ses guerres ne sont qu’un prétexte au massacre.

Mais il veut donner l’illusion qu’il va épargner les civils. Et c’est la raison pour laquelle il s’accorde deux semaines pour évacuer un million et demi de personnes vers des enclaves dites « humanitaires » et notamment vers Khan Younès où il serait prévu d’installer « des équipements médicaux tels que des hôpitaux de campagne ».

Le monde est supposé croire qu’Israël, qui vient de réduire en ruines fumantes l’hôpital de Khan Younès faisant de son site une gigantesque fosse commune d’où ont été retirés plus de 300 civils massacrés, décapités, écorchés, vidés de leurs organes, après avoir été sauvagement torturés, se préoccupe d’assurer en ce lieu aux réfugiés les conditions de sécurité et de santé requises[1].

La fosse commune de Khan Younès aux abords de l'hôpital Al Nasser dévasté par l'armée israélienne

En tout cas la presse occidentale se fait un devoir de nous en convaincre alors qu’en réalité le transfert massif qui s’annonce est un élément à charge contre Israël qui étaie la thèse du génocide. Les familles palestiniennes ont en effet déjà été chassées plusieurs fois sous les bombardements vers des lieux successivement décrétés comme sûrs avant de se regrouper à Rafah où elles continuent à être massacrées sans relâche. La sinistre chasse à courre dont elles n’ont pas cessé d’être la proie constitue une chaîne ininterrompue de crimes de guerre. Ceux d’entre les survivants qui ont tenté de rejoindre leurs demeures du Nord ont été fauchés par la mitraille au cours de ce mois d’avril. 

Qu’elles soient en mouvement à la recherche d’un hypothétique lieu sûr ou qu’elles se résignent à s’établir quelque part pour reprendre leur souffle, elles n’échappent pas à la mort programmée par la soldatesque sioniste. On peut donc affirmer avec certitude que, sur la route de Khan Younès où on veut les lancer en masse ou lorsqu’elles seront arrivées à destination dans « les enclaves humanitaires » qu’on leur prépare, elles seront exposées à toutes les formes de mort violente dont Israël a désormais raffiné les procédés.

Tout le monde le sait et pourtant Israël parle de ses préparatifs d’attaque contre Rafah comme s’il annonçait un banal nettoyage de printemps auquel on procède avec l’aide de toutes les bonnes volontés du voisinage qui aident en toute convivialité à dégager les espaces où les tapisseries, les meubles et les encombrants de toutes sortes vont être entreposés afin de libérer les lieux qui seront nettoyés à grande eau.

Nul ne semble s’aviser que le mobilier gênant est constitué par des centaines de milliers de civils Palestiniens exténués qui repartent pour un tour qui sera sans doute le dernier pour nombre d’entre eux. Cela se passe dans la concertation la plus routinière avec l’Égypte comme si Israël ne constituait avec son voisin égyptien qu’une paisible communauté villageoise unie par des liens de solidarité anciens et une tradition de coopération pacifique.  Ce nettoyage de printemps fait en effet l’objet de consultations entre l’état-major israélien et les services de renseignements d’Al Sissi réunis depuis mercredi en conclave au Caire.

Selon des responsables égyptiens cités par le Wall Street Journal, l’évacuation des civils de Rafah vers Khan Younès bénéficiera aussi de l’active participation des Etats-Unis, des Emirats et d’autres pays arabes[2].

Ainsi donc, trois mois après l’ordonnance rendue par la Cour internationale de justice accordant à Israël un délai d’un mois pour justifier de mesures destinées à écarter le risque de génocide et une trentaine de jours après la résolution du Conseil de sécurité exigeant un « cessez-le-feu immédiat », l’armée d’occupation s’apprête à mettre la dernière touche à Gaza à la solution finale qu’elle ne cesse d’annoncer depuis plusieurs semaines.

Et tout le monde y adhère de bon cœur : les régimes arabes qui partagent sa volonté d’éradiquer la résistance armée, l’Autorité palestinienne qui, soucieuse de préserver les miettes de pouvoir et de ressources tirées des accords d’Oslo, se confine dans un silence complice et les États-Unis dont le Parlement vient de voter au profit de l’armée criminelle un crédit de 13 milliards de dollars.

Le monde entier est prêt à aider Israël à se débarrasser des organisations de la résistance armée palestinienne. Une seule voix manque à l’unanimité : celle de ladite résistance. Qui aura son mot à dire.


[1] Voir l’article repris de l’AFP et publié par Times of Israël le 24 avril sous le titre :  Israël prévoit de déplacer les civils de Rafah vers Khan Younès – responsables égyptiens. https://fr.timesofisrael.com/liveblog_entry/israel-prevoit-de-deplacer-les-civils-de-rafah-vers-khan-younes-responsables-egyptiens/

[2] Voir l’article publié le 23 avril par l’Orient Le Jour sous le titre : Les EAU et l’Égypte se prépareraient à « coordonner » avec Israël l’évacuation de Rafah.

https://www.lorientlejour.com/article/1411402/les-eau-et-legypte-se-prepareraient-a-coordonner-avec-israel-levacuation-de-rafah.html