vendredi 1 septembre 2023

MOUNTAHA HABES VICTIME OCCULTÉE DE L’ARBITRAIRE JUDICIAIRE ET DE LA CONFUSION DES GENRES


 Khaled Satour

Il est nécessaire de dire un mot du procès qui s’est conclu le 29 août devant le tribunal correctionnel de Constantine par la condamnation de Mustapha Bendjama et Raouf Farrah, entre autres prévenus, à deux ans de prison ferme.

On retiendra sur la base du peu d’informations factuelles fiables rendues publiques que c’est d’abord une nouvelle fois grâce au viol des règles de la procédure pénale que les services de police ont pu réunir tant de charges contre les prévenus.

Les irrégularités commises sont nombreuses : usage abusif de la détention préventive, dépassement des délais de garde à vue, violences psychologiques et menaces de recourir à la torture proférées, selon ses déclarations à l’audience, contre Bendjama (tabassage en règle et arrachage des ongles) avec à l’occasion passage à l’acte (ouverture forcée du smartphone du même Bendjama en « rafraichissant » l’empreinte de son doigt avec le tranchant d’un tournevis).

En l’absence de respect des règles élémentaires de l’habeas corpus, ce procès confirme que la justice pénale en Algérie n’existe que sur le papier désormais dématérialisé du journal officiel car la personne physique des prévenus et leurs biens personnels ne bénéficient d’aucune des garanties édictées par le code de procédure pénale. Ils sont à la libre disposition d’hommes en armes ayant toute latitude de séquestrer les citoyens dans la promiscuité de lieux secrets propices à des pratiques dignes de l’inquisition.

On remarquera d’ailleurs que les prévenus n’ont pas été jugés ce 29 août pour le délit qui avait justifié leur arrestation, complicité d’usurpation d’identité et de sortie clandestine du territoire national dans l’affaire de la fuite d’Amira Bouraoui, mais sur la base d’un dossier délictuel intégralement construit sur l’exploration illégale du smartphone de Bendjama.

Mais, quelles que soient les réserves qu’on peut faire sur la gravité des charges retenues abusivement notamment contre Bendjama et sur l’irrégularité des méthodes utilisées pour les étayer, le plus terrible dans cette affaire est à mes yeux le sort que la justice a réservé à Mme Mountaha Habès, en détention provisoire depuis 6 mois et condamnée à 18 mois de prison ferme. Directrice des ressources humaines dans une filiale d’Asmidal, cette dame a eu le malheur de consentir à remettre à Bendjama des documents (deux registres de commerce et un contrat) relatifs à un conflit opposant son employeur à un entrepreneur algérien, afin que le journaliste puisse traiter de l’affaire sur le journal Le Provincial.

Sans en informer sa source, le journaliste a transmis informations et documents à l’un des charlatans de YouTube les plus en vue, Abdou Semmar, qui en a fait son miel lors d’un de ces « lives » à travers lesquels il prétend informer le public et même, comme il le serine à en vomir, le « former » par la « pédagogie » qu’il se fait l'illusion de dispenser.

Il n’est pas possible d’échapper au constat suivant : d’une part, Bendjama a eu de manière incessante maille à partir avec la justice depuis trois ans et il aurait dû être conscient qu’il ne pouvait conserver sur son téléphone les échanges relatifs à cette transmission sans mettre en danger sa source si bienveillante en même temps que sa propre personne.

Mais, d’autre part, le fait le plus gênant dans cette affaire est que ce journaliste, dont l’affiliation à la profession n’est pas douteuse, ait pu considérer comme des confrères ces épiciers du web qui se sont affranchis de toute règle déontologique (outre Semmar, il a gardé aussi sur son smartphone les traces d’échanges « professionnels » avec Hichem Aboud et Amir DZ) et qui ne s’en prennent de façon compulsive au régime algérien que pour mieux flatter les pouvoirs français, marocain et même israélien, s’agissant de Abdou Semmar à qui il est réservé une « chronique permanente » sur la chaîne de propagande sioniste i24news.

Sans dédouaner la juridiction de jugement des abus policiers qu’elle a entérinés, on est en droit de regretter que certains journalistes algériens délimitent si mal le périmètre de leur profession. Ils sont prêts à accorder une confiance et une collaboration qui ne sont dues qu’au titre de la confraternité à des aventuriers qui, réfugiés dans les jupes protectrices de tuteurs étrangers, ne se soucient guère de la sécurité de ceux qui, exposés à la répression des tribunaux algériens, peuvent avoir cru, comme ce fut le cas pour Mme Habès, qu’ils informaient en toute quiétude un journaliste dûment accrédité sur le territoire algérien.

Mme Mountaha Habès, dont on peut supposer jusqu’à preuve du contraire qu’elle entendait seulement défendre les intérêts de son employeur tout en éclairant la lanterne de l’opinion publique algérienne, est en définitive à la fois la victime de l’arbitraire judiciaire et de la confusion des genres qui mine la profession journalistique.

1 commentaire:

  1. Monsieur, lorsqu'on parle du journalisme pratiqué (surtout de nos jours) par les médias et les réseaux sociaux algériens il est indispensable de dire "HACHAKOUM". Un ex journaliste, très heureux d'être au chômage.

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