samedi 9 septembre 2023

L’INTERDICTION DE L’ABAYA : UNE SIMPLE PÉRIPÉTIE


 Khaled Satour

Le conseil d’État français a rejeté le référé intenté par l’association « Action Droits des Musulmans » contre l'interdiction de l'abaya à l'école au motif que cette mesure « ne porte pas une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ». C’est l’épilogue provisoire de cette affaire qui n’est faite pour surprendre personne.

Cette décision et l’affaire qui en est à l’origine ne sont que des péripéties routinières qu’il n’y a aucun intérêt à discuter au cas par cas. Elles viennent s’ajouter aux nombreux autres actes (législatifs, exécutifs, judiciaires ou matériels) auxquels donne lieu l’attaque généralisée menées contre les libertés des citoyens de confession musulmane et plus généralement issus de l’immigration, sous les alibis les plus divers (la laïcité, l’ordre public, la sécurité publique, la lutte antiterroriste, le séparatisme).

La laïcité qui est invoquée n’a plus rien à voir avec ce qu’elle fut pendant près d'un siècle. Il convient de distinguer nettement le sens et la portée qu’elle avait dans les lois de 1905 et ceux qu’elle a pris depuis que la France compte parmi ses citoyens une minorité importante de musulmans.

La laïcité originelle, celle d’Aristide Briand, se préoccupait de la neutralité religieuse de l’État et de ses agents. Elle était condamnée à mort dès la fin des années 1980 lorsque le voile porté par les musulmanes est devenu une « offense pour le regard ». Le conseil d’État  avait tenté de l’animer d’un ultime soubresaut quand il avait rappelé en 1989 que le port du voile à l’école était, par référence aux textes les plus fondamentaux de l’État laïc (la loi de 1905, l’article 10 de la déclaration de 1789 et l’article 9 de la convention européenne), une liberté reconnue aux élèves des écoles publiques. La réaction à cette interprétation n’avait été que réprobation et contrariété quasi unanimes. La prévention que les postulats idéologiques du débat ont fait peser a priori sur cette pratique l’emportait sur le diagnostic de conformité posé par l’exégète attitré. L’idéologie a préféré décréter l’impasse du droit et a entrepris de construire, pièce par pièce, une nouvelle laïcité d’essence néo-coloniale à même de mener la vie dure aux musulmans en leur niant le droit de vivre au sein de la société française tels qu’ils sont, c’est-à-dire dans la liberté d’adopter, à l’école et dans l’administration mais progressivement dans tous les lieux de sociabilité, les comportements et l’apparence que leur dictent leurs convictions.

Car la nouvelle laïcité contamine tous les secteurs de la vie commune et n’est plus que le navire amiral d’une entreprise plus vaste, l’arme de prédilection contenue dans un arsenal varié et polyvalent que l’État et la société française, dans une connivence qui va se renforçant, ont constitué pour harceler et incommoder sans relâche l’immigration post-coloniale en général, et notamment sa fraction emblématique d’origine maghrébine.

La loi séparatisme et le code de sécurité intérieure permettent à l’administration de mobiliser tout un arsenal de mesures de dissolution d’associations, de fermeture de lieux de prière et d’expulsion du territoire français ; les cellules départementales de lutte contre l’islamisme radical et le repli communautaire (CLIR) se livrent depuis cinq ans, à l’abri du regard des médias, au harcèlement des commerces tenus par des musulmans et de toutes sortes d’activités qu’ils organisent.

A l’extrémité la plus inquiétante de ce spectre se trouve la violence policière qu’accompagne la violence symbolique à la limite de la subversion que représente désormais la revendication de son impunité non seulement par les syndicats mais aussi par la hiérarchie policière qui ont montré au cours des émeutes de juin dernier qu’ils refusaient que la loi commune soit appliquée à leurs troupes par les juridictions et qui ont notamment obtenu gain de cause en faisant annuler la détention préventive prononcée contre les policiers qui ont tabassé et laissé pour mort le jeune Hedi à Marseille.

Dans ce contexte, je ne vois aucune utilité à traiter à part de l’affaire de l’abaya et à participer à un nouveau round de discussions sur la laïcité. Ce n’est là que le degré le plus récemment franchi d’une escalade qui persiste à laisser indifférents les principaux secteurs de l’opinion car elle participe d’un projet globalement consensuel non pas de défense d’un État républicain et universaliste contre un communautarisme religieux mais de domination d’une nation chauvine et tyrannique sur une minorité qui ne veut pas abdiquer sa différence et dont l’effacement dans les jeux d’influence fait une proie facile[1].


[1] Voir mon article publié en deux parties sur ce blog sous le titre : Comment la loi française a constitué l’islam en ennemi

https://contredit.blogspot.com/2022/09/comment-la-loi-francaise-constitue.html

https://contredit.blogspot.com/2022/09/comment-la-loi-francaise-constitue_10.html

 

6 commentaires:

  1. Monsieur Satour, beaucoup de vos publications sont très pertinentes et iconoclastes, ce qui nous change du crétinisme ambiant. Et c'est pour cette raison que je consulte souvent votre blog. Mais pour cet écrit, je me trouve désolé de vous dire que je ne partage en rien votre analyse surtout lorsque vous nous asséner crânement la sentence suivante : "(...) une nouvelle laïcité d’essence néo-coloniale à même de mener la vie dure aux musulmans en leur niant le droit de vivre au sein de la société française tels qu’ils sont, 𝒄’𝒆𝒔𝒕-à-𝒅𝒊𝒓𝒆 𝒅𝒂𝒏𝒔 𝒍𝒂 𝒍𝒊𝒃𝒆𝒓𝒕é 𝒅’𝒂𝒅𝒐𝒑𝒕𝒆𝒓, à 𝒍’é𝒄𝒐𝒍𝒆 𝒆𝒕 𝒅𝒂𝒏𝒔 𝒍’𝒂𝒅𝒎𝒊𝒏𝒊𝒔𝒕𝒓𝒂𝒕𝒊𝒐𝒏 𝒎𝒂𝒊𝒔 𝒑𝒓𝒐𝒈𝒓𝒆𝒔𝒔𝒊𝒗𝒆𝒎𝒆𝒏𝒕 𝒅𝒂𝒏𝒔 𝒕𝒐𝒖𝒔 𝒍𝒆𝒔 𝒍𝒊𝒆𝒖𝒙 𝒅𝒆 𝒔𝒐𝒄𝒊𝒂𝒃𝒊𝒍𝒊𝒕é, 𝒍𝒆𝒔 𝒄𝒐𝒎𝒑𝒐𝒓𝒕𝒆𝒎𝒆𝒏𝒕𝒔 𝒆𝒕 𝒍’𝒂𝒑𝒑𝒂𝒓𝒆𝒏𝒄𝒆 𝒒𝒖𝒆 𝒍𝒆𝒖𝒓 𝒅𝒊𝒄𝒕𝒆𝒏𝒕 𝒍𝒆𝒖𝒓𝒔 𝒄𝒐𝒏𝒗𝒊𝒄𝒕𝒊𝒐𝒏𝒔." Les bras m'en tombent. Est-ce que vous voulez que les écoles et lycées français se mettent à ressembler aux nôtres, ceux de Baraki , Climat de France et d'ailleurs, avec leurs salles de prières et les tapis de prières offerts gracieusement par le ministre de l'éducation. Moi qui vous lis depuis longtemps, je sais que vous êtes en rien un islamiste et c'est là que je me trouve désillusionner; car si un intellectuel sensé de votre acabit se permet de tels égarements alors qu'est ce qu'on pourrait attendre comme autres délires des hurluberlus islamistes. Sans rancune. Djallal Safri

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    1. Monsieur Safri, il y a là un malentendu que vous me fournissez l’occasion de clarifier et je vous en remercie. La réalité est complexe et on ne peut la juger en la caricaturant. Il n’est pas possible de raisonner la situation en France par rapport à la situation en Algérie. Ici, il y a des libertés qui sont affirmées et qui sont en principe défendues par les institutions et ces libertés doivent être les mêmes pour tout le monde. Or, il est facile d’observer (voir mes articles précédents que je mentionne) qu’il y a différentes lois qui attaquent de manière discriminatoire les libertés des musulmans et des immigrés en général. Pour cette raison :
      1° - Je ne suis pas contre la laïcité à condition qu’on ne la modifie pas sans cesse pour s’en prendre aux musulmans.
      2° - Je ne suis pas contre la lutte antiterroriste à condition qu’on ne voie pas dans tout musulman un terroriste potentiel.
      3° - Je ne suis personnellement pas favorable au hidjab mais je n’accepte pas qu’on exclue les femmes voilées de l’emploi dans les secteurs les plus divers, qu’on exclue les mères voilées des sorties scolaires de leurs enfants.
      4° - La police doit jouer son rôle dans le maintien de l’ordre à condition qu’on lui ne lui accorde pas un permis de tuer les jeunes issus de l’immigration sans être punie.
      5°- En un mot, la loi doit être la même pour tous et on ne peut accepter qu’on invente sans cesse de nouveaux textes ciblant la minorité musulmane. Or, c’est ce qui se passe et, dans la continuité des pratiques et mentalités coloniales, les gens trouvent ça normal. Le racisme devient de plus en plus courant et le rôle de la loi est de le combattre et non pas de le légaliser.
      6° - Je n’avance rien sans donner de références. J’analyse toujours les lois et les pratiques avant de me prononcer.

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  2. A Rome, fais comme les Romains et les Romaines sinon il y a tous les pays musulmans qui acceptent toutes les tenues religieuses dans leurs collèges et lycées à l'exception de l'Afghanistan où même avec Djelbab , Nikab et tout le toutim de camouflage, ces inconscientes manipulées resteront à la maison, car les filles sont interdites d'école par la toute puissance divine des féodaux Talibans. On les verra ensuite si elles iront sur TikTok pour se plaindre et dénoncer un régime qui les privent de leur droits. Farida d'Alger.

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    1. Je ne pense pas que la contrainte des uns justifie celle des autres. Le racisme et le mépris néo-colonial sont aussi des formes de toute-puissance. Je parle de ce que j’observe en France et je dis que certaines pratiques portent atteinte aux libertés. Je le documente le plus possible en travaillant sur les lois et les déclarations des droits. Un point c’est tout.

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  3. Je suis complètement d'accord avec le commentaire précédent, celui de Farida que je salue pour son courage de dire tout haut ce que pense la grande majorité des français. Je ne suis ni raciste ni islamophobe mais on ne reconnait plus la France et c'est un homme de gauche qui vous le dit, pas la gauche des incendiaires de la LFI ou de la NUPES, mais une gauche réaliste, loin des petits calculs politiciens à destination de certaines communautés. Même sur les marchés et dans les rues des petites villes, cette mode vestimentaire, venue d'ailleurs, a complètement dénaturé le paysage urbain. Qu'on le veuille ou pas , la France, depuis Clovis et même bien avant, a plus de 15 siècles d'histoire derrière elle, une histoire Chrétienne, certes entachée d'épisodes de guerre, de violence et d'inquisition, mais au final elle nous a permis d'être là où nous sommes, avec nos coutumes et nos moeurs diamétralement opposés à ceux que les musulmans pratiquent ostentatoirement et avec un prosélytisme délirant, prosélytisme qui serait interdit et puni en terre d'Islam si cela était le fait de chrétiens ou de juifs. Désolé, mais malgré vos belles assertions, je confirme, a Rome fais comme les romains sinon tu n'es pas le bienvenu. Michel.

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    1. « Je ne suis ni raciste ni islamophobe mais on ne reconnait plus la France »
      « la France, depuis Clovis et même bien avant, a plus de 15 siècles d'histoire derrière elle, une histoire Chrétienne ».
      Une fois qu’on a lu ça, vous pouvez toujours raconter que vous êtes « un homme de gauche ».
      Quant au prosélytisme délirant des musulmans, je me demande bien avec quels moyens ils le font. Ils ne peuvent plus bouger une oreille sans risquer une dissolution ou une expulsion. Le délire généralisé est dans la haine des médias dominants dont vous répercutez le discours haineux dans tous ses clichés.

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