vendredi 12 janvier 2024

LE CONSEIL DE SÉCURITÉ, D’UNE GUERRE INJUSTE À UNE AUTRE

L'attaque partie d'un porte-avions américain contre le Yémen dans la nuit du 11 au 12 janvier 2024

Khaled Satour

Suite au blanc-seing que le Conseil de sécurité leur a accordé le 10 janvier, les États-Unis et la Grande-Bretagne ont bombardé la nuit dernière des positions du mouvement yéménite houthiste.

La résolution du Conseil de sécurité venait de condamner « avec la plus grande fermeté la vingtaine d’attaques au moins perpétrées par les houthistes contre des navires marchands et des navires de commerce depuis le 19 novembre 2023 », prenant note « du droit qu’ont les États Membres, conformément au droit international, de défendre leurs navires contre les attaques, notamment celles qui portent atteinte aux droits et libertés de navigation ».

Cette dernière formulation qui fait mine de constater simplement l'existence d'un droit de réplique aux formes non-précisées était en fait le feu vert que les deux puissances occidentales attendaient pour légitimer une action militaire qu’elles préparaient depuis plusieurs semaines.

La résolution tout entière atteste une nouvelle fois de la duplicité d’un Conseil qui accuse les Houthistes de porter atteinte à « la paix et à la sécurité de la région » alors même que celle-ci est ensanglantée par un génocide perpétré à Gaza, dont la Cour internationale de justice est saisie depuis hier et dont lui-même est mis depuis plus de trois mois dans l’incapacité d’imposer à son auteur un arrêt des actes criminels qui en prolongent l’horreur. Le Conseil, dont la mission est d’assurer le maintien de la paix, se fait ainsi l’incitateur à une guerre injuste engagée pour permettre la perpétuation d’une autre qui l’est au centuple.

Mais la duplicité du Conseil a été rendue possible par celle de certains de ses membres.

La Russie, d’abord et de façon décisive, qui a exprimé nettement au cours des débats sa certitude que les velléités agressives des États-Unis contre le Yémen avaient pour mobile de s’attaquer à un mouvement qui avait eu l’audace de vouloir interrompre un crime de masse dont ils sont complices ; qui a par ailleurs vainement tenté d’amender le projet de résolution pour y faire préciser que l’action des Houthistes n’était que la « conséquence directe » des « opérations militaires israéliennes très violentes » menées à Gaza ; mais qui, à l'instant décisif, n’a pas fait usage de son droit de veto (et la Chine pas davantage).

L’Algérie, ensuite à titre accessoire (mais pourtant essentiel à nos yeux), dont l’intervention faite par son représentant lors du débat a été d’une inconsistance remarquable, usant de circonlocutions « diplomatiques » à peine compréhensibles pour exprimer sa désapprobation de la coalition militaire montée avec dix autres pays par les États-Unis contre le mouvement yéménite, en évitant soigneusement d’évoquer la situation à Gaza ; et qui s’est contentée d’une abstention alors qu’un vote négatif, s’il n’empêchait pas l’adoption de la résolution, aurait du moins signifié une opposition politiquement significative.

A l’heure où tant d’espoirs sont mis dans la Cour de justice internationale, cela vient nous rappeler que les Nations-Unis sont un théâtre fait pour les relations internationales et leurs rapports de forces et non pour le droit. Et que la Cour est un organe des Nations-Unis…

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