lundi 2 septembre 2024

LA PART DE VÉRITÉ DE MOULOUD HAMROUCHE


 

Khaled Satour

Il m’a paru intéressant de republier cette vidéo datant de 2019, en plein Hirak.

Dans cette déclaration faite au pied levé alors qu’un petit groupe de personnes le sollicitait pour qu’il soit candidat aux présidentielles du 12 décembre, Mouloud Hamrouche aborde deux thèmes que l’actualité mouvante et éphémère n’a pas démodé :

1) Parlant d’un projet à la dimension historique, celui « de l’État algérien », il affirme : « dans les circonstances actuelles, hélas, je vous mentirais si je vous disais que je pourrais le réaliser, dans les conditions qui existent (…) si demain j’étais élu président de cette façon et selon cette méthode, je ne pourrais rien faire ».

La parole de Hamrouche a toujours été reçue comme crédible dans de nombreux secteurs de la société algérienne. Sa réputation d’intégrité n’a pas été entamée par son passage au pouvoir à la charnière des années 1980-1990 malgré la terrible conjoncture à laquelle il avait fait face.

Aussi, est-on tenté de mesurer à l’aune de la thèse qu'il soutient la réalité des avancées que le président-candidat Abdelmadjid Tebboune prétend avoir fait faire à l’Algérie au cours de son premier mandat finissant et qu’il résume dans l’expression, souvent reprise par ses soutiens, de « redressement national ».

S’il faut ajouter foi à ce qu'affirme Hamrouche, en le généralisant, le président de la République élu sous le régime politique algérien actuel étant mis dans une position qui l’empêche de faire quoi que ce soit, Tebboune nous ment. Bien sûr, des propos tenus par un oracle il y a cinq ans ne peuvent servir à contester une réalité présente dûment constatée. Mais précisément, de quels instruments disposons-nous pour vérifier la véracité d’un discours de campagne, émaillé de surcroît de maladresses et de lapsus ?

2) Hamrouche nous livre ensuite sa conception de la vérité en politique quand il affirme : « Je n’ai jamais menti aux gens. Je ne dis pas tout car il y a des choses que je ne peux pas dire. Mais ce que je dis est une partie de la vérité, ce n’est pas toute la vérité mais une partie de la vérité ».

Et, de fait, dans cette déclaration, il illustre bien sa fidélité à cette doctrine puisqu’il nous dit que s’il était élu président il ne pourrait rien faire mais qu’il ne nous explique pas pourquoi, il ne dit pas qui ou quoi l’empêcherait de faire ceci ou cela. En ne nous livrant qu’une partie de la vérité, il fait galoper notre imagination, il conforte en nous des pressentiments nés le plus souvent dans la strate infra-politique de notre conscience ; il incite en somme chacun de nous à se fortifier dans l’hypothèse qui l’arrange.

En particulier, l’opinion qui a le plus de chances de s’en trouver confirmée est la suivante : le président de la République, coopté par l’armée, ne peut agir que sur ses ordres et à tout le moins avec son aval. Alors qu’en réalité Hamrouche, mieux informé que quiconque des contingences du pouvoir, pensait peut-être à tout autre chose dont nous n’avons pas la moindre idée.

Et, en définitive, en se contentant de dire que le président ne peut rien faire sans expliquer pour quelle(s) raison(s), Hamrouche ne nous apprend rien, il ne fait qu’affermir chez chacun de nous des intuitions, conforter la thèse préconçue que chacun s’était forgée en dehors de toute rationalité de l’analyse.

Je dirai donc pour conclure qu’il y a au moins quelque chose qui cloche dans la confession de Hamrouche : ce n’est pas dire la vérité que de n’en dire qu’une partie.

 

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