samedi 27 août 2022

MACRON, TEBBOUNE, LA ROMANCE ET LA GEOPOLITIQUE

Khaled Satour

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Avant de quitter l’Algérie, Macron a cru bon de préciser que la « relation d’amour » franco-algérienne se caractérisait par l’« intimité ». Une relation d'amour intime, il y a de la redondance dans le propos. A moins qu'il n'ait voulu signifier à l'opinion que la relation amoureuse s'était concrétisée, qu'elle avait en quelque sorte donné lieu à consommation, avec toutes les conséquences que les jurisconsultes musulmans spécialistes du mariage attachent à cet acte.

De fait, on a pu observer qu'un semblant d'intimité existait peut-être entre les deux hommes : Tebboune a laissé échapper, accompagnant un geste en direction de Macron, un tutoiement que la mauvaise sonorisation de la télévision algérienne n’a pas entièrement filtré.

Mais rien ne dit qu'un tel sentiment s'élargisse un jour aux relations entre les deux nations.

D’abord parce que l’intimité incline à l’aparté et au huis-clos et déteste par-dessus tout les foules intrusives, qui le lui rendent bien d'ailleurs, comme la rue oranaise l’a fait comprendre à Macron ce samedi 27 août. Ensuite, parce que les Algériens ont fait l’expérience pendant 132 ans de toutes les sortes d’intimités que l’on peut vivre avec la France : l’intimité entre le colon et la terre arrachée au fellah, entre le geôlier et le condamné à mort, entre le tortionnaire et le torturé, sans parler de l’intimité imposée à la prostituée crève-la-fin dans les bordels militaires.

Ils préfèrent donc de loin une relation franco-algérienne qui respecte la distanciation sociale et qui, parlant d'une voix forte, porte tout sur la place publique. En un mot, si consommation il doit y avoir, ils souhaiteraient ne pas se retrouver dans l’assiette.

Déjà, je suis sûr qu’ils voudraient que Tebboune clarifie au plus vite les projets géopolitiques dont il a fait état de façon lapidaire : « quelle action commune » franco-algérienne menée « dans notre environnement géopolitique » a-t-on programmée avec la participation des états-majors militaires des deux pays, réunis « pour la première fois depuis l’indépendance » ? Comment l’Algérie et la France entendent-elles « agir de concert dans l’intérêt de l’Afrique » ?

Finalement, dans cette conférence de presse de l’aéroport d’Alger, la transition fut brutale, de l’intimité de deux amoureux qui devraient, c’est connu, se sentir seuls au monde, à une action conjointe menée en Afrique par une « puissance européenne, membre du conseil de sécurité » et « une puissance régionale africaine ».

Macron avait à peine fini de nous chanter la sérénade que Tebboune venait, en une seule phrase, liquider les principes directeurs d’une politique étrangère algérienne dite depuis 60 ans indépendante, fondée sur la souveraineté des États et la non-ingérence.

Il semble donc qu’il y a bien eu consommation. De quels reniements ces trois jours de l’été algérois sont-ils annonciateurs ?

 

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