Khaled Satour
Il y a dans l’actuelle visite d’État d’Emmanuel Macron au Maroc matière à réfléchir sur les nouvelles alliances et compromissions colonialistes que la tentative de liquidation de la cause palestinienne et d’élimination physique du peuple palestinien mettent singulièrement en lumière depuis le 7 octobre.
Macron a assuré aux parlementaires marocains que « le présent et l’avenir du Sahara occidental s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine » et que c’était là « la position par laquelle la France accompagnera le Maroc auprès des instances internationales ». Il confirmait ainsi que la France s’affranchissait sans scrupules ni remords des résolutions des Nations-Unies qui voient dans la question sahraouie un problème de décolonisation que seule la mise en œuvre du droit à l’autodétermination peut résoudre. Et, pour que son reniement de la légalité internationale soit total, il a ajouté que les entreprises françaises accompagneraient de leurs investissements « le développement de ce territoire ».
Ces engagements ont été annoncés par Macron dans un climat de ferveur auquel il avait cru bon d’associer un impressionnant aréopage de personnalités françaises soutenant inconditionnellement Israël et ses crimes de masse qu’il a tenu à convier à ce voyage et qui ont été reçues avec un déploiement d’égards rarement observé par la famille royale au grand complet et le ban et l’arrière-ban de ses vassaux.
Je voudrais donc dire deux mots de ce malaise que je ressentais jusque-là de manière indéfinissable et que ce spectacle m'a permis d'identifier. Le sentiment de triomphe que suscitent ces engagements français chez les Marocains, toutes classes confondues et avec une unanimité qu’aucune opinion dissidente ne semble démentir, m’amène à supposer que les manifestations pro-palestiniennes que le régime monarchique autorise depuis un an ne sont rien d’autre qu’une monnaie d’échange, le prix qu’il paie avec un cynisme consommé pour garantir simultanément la pérennité de la normalisation avec Israël et celle du processus colonial engagé au Sahara occidental.
Et si c’est le cas, quel sens accorder au soutien populaire marocain à la cause palestinienne ? Est-il seulement possible que cela soit autre chose qu’un faux-semblant grâce auquel la société marocaine avalise, en se donnant la meilleure conscience du monde, le pacte colonial quasi-faustien qu’elle a conclu avec le Makhzen et à travers lui la France et Israël notamment ?
J’ai du mal à croire en effet que cette société soit atteinte d’une sorte d’hémiplégie anticolonialiste qui, tout en épargnant sa capacité de jugement sur la Palestine, l’empêcherait de se rendre compte qu’elle est engagée depuis 50 ans au Sahara occidental sur les pas du sionisme criminel et fanatique qu’elle prend si facilement à partie.
Quelque part, sur la grille de lecture de leur rapport au monde qu’elles doivent bien interroger de temps en temps, les couches politisées de la société marocaine ne peuvent manquer de voir s’inscrire les lettres capitales de leur duplicité. Chaque manifestation pour Gaza qu’elles organisent ne fait que les y enfoncer un peu plus.